Interview

Lumière sur… David Coulon !

Deuxième interview de la semaine et pas des moindres car David Coulon est sans doute mon auteur français préféré. Chaque roman est un chef d’œuvre de noirceur et je suis subjuguée par son écriture non conventionnelle et complètement différente de tout ce qu’on peut trouver chez les autres auteurs.

Biotope, publié en 2021, a été un nouveau choc dans ma vie de lectrice, et j’ai eu envie de lui donner la parole aujourd’hui.

Lumière sur David Coulon !

Pour aller plus loin et avant de donner la parole à l’auteur, retrouvez notre première interview ensemble en cliquant ici.

Retrouvez également mes chroniques de ses romans :

Bonjour David. Notre première interview ensemble date déjà d’il y a trois ans ! Biotope est paru en 2021 aux éditions Cosmopolis. A nouveau, tu plonges tes lecteurs dans un univers particulièrement sombre et violent. Qu’est-ce qui te plaît tant dans cette exploration de la noirceur de l’âme humaine ?

Bonjour Anaïs. Ce qui me plaît, c’est surtout les choses que nous faisons, la plupart du temps, en pensant faire le Bien, alors qu’à l’arrivée, c’est tout le contraire. Le personnage principal de Biotope cherche la rédemption. Il a commis un acte terrible, a fait de la prison, et passe un temps de liberté conditionnelle à bosser dans un garage qui récupère des épaves accidentées, la nuit.

Attention spoiler – (surligner pour voir le texte)

Or, ce garage est un lieu où le propriétaire, Monsieur Jean, propose à des gens d’assouvir leur soif de vengeance en torturant des criminels dont leur famille a été victime –

fin du spoiler.

Tous ces personnages ne se voient pas comme « noirs ». Ils cherchent plutôt à faire le Bien. Pour eux, ou pour la mémoire d’être chers qui ont souffert. Or, c’est en cherchant à faire le Bien qu’ils ont sombré dans le Mal absolu. La noirceur de l’âme humaine m’a toujours intéressé, mais je crois que je suis de plus en plus attiré par l’exploration de ce nouveau territoire. Celui du Bien. Qui engendre pourtant les catastrophes.

Ton personnage principal est anonyme et tu as fait le choix de ne pas lui donner de nom. Peux-tu nous expliquer pourquoi ce choix ?

Nous n’avons jamais été autant exposés via les réseaux sociaux, la confusion entre espace privé et espace public. Et pourtant, nous sommes de plus en plus seuls, anonymes, un peu perdus, dans une société qui tient désespérément à tous nous faire entrer dans des cases. Le fait que le personnage principal n’ait pas de nom correspond un peu à ce constat. Les humains des années 2020 sont des êtres sans identité propre, navigant au jugé dans un monde qu’il ne comprennent plus. En outre, dans Biotope, tous les personnages ont des noms connotés, correspondant à des noms bibliques (j’ai fait ce choix par mon intérêt pour le « Bien » que j’évoque plus haut). Un truc un peu irréel, comme si ça n’était pas une véritable histoire, mais un cauchemar subi par le personnage principal. Lui, n’a pas de nom biblique, encore moins de nom de baptême. Il n’est rien, au-milieu de représentants archétypaux de la culpabilité, la vengeance, la rédemption, et il ne se positionne jamais. Il essaye simplement de survivre.

Même en ayant le cœur super bien accroché, j’ai été particulièrement marquée par certaines scènes de Biotope. Comment gères-tu l’écriture de scènes si difficiles ? J’ai le sentiment que tu n’es pas le genre d’auteur à t’autocensurer quand tu écris…

En fait, ce sont les scènes les plus simples à écrire et, quelque part, les plus ludiques à concevoir. Je les conçois comme des sortes de poésies macabres. J’imagine la scène, le jusqu’au boutisme des « tortionnaires » à ce moment-là, leur folie aussi – car il faut être en phase de folie totale pour faire ces choses-là – et je déstructure totalement mon écriture, et pars en écriture quasi automatique, en cherchant l’image mentale et poétique qui correspond au plus près à l’état psychologique du personnage à ce moment précis. C’est assez simple car je me corrige très peu. Le perso est dans « cet état-là », il fait ça, voit ça, va jusqu’au bout de ça. Et bien je décris ça. Je me mets à  « sa place ». Je suis son bras armé littéraire. Et il n’y a pas de raison de m’autocensurer à partir du moment où cela sert le récit et la folie du personnage que je veux rendre et dans laquelle je souhaite que le lecteur soit immergé.

Dans tes romans, tout part toujours d’un mauvais choix de la part de tes personnages principaux et les conséquences sont souvent dramatiques pour eux. Qu’est-ce qui te plaît tant dans ces situations ?

On sait que l’on a fait un mauvais choix à partir du moment où l’on juge la conséquence comme négative. Or, lorsqu’un individu fait des choix, il cherche à faire le bien. Pour soi, pour les autres. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas que le choix soit mauvais, c’est la certitude, pour le personnage, qu’il s’agit du bon choix, du seul possible.

Dans Biotope, le thème de la vengeance est omniprésent. Qu’est-ce qui t’a donné envie de l’aborder ?

La vengeance est un sentiment naturel, spontané, viscéral. Tout le monde dit que si quelqu’un faisait du mal à un membre proche, nous le vengerions, nous serions terribles, violents, inarrêtables. Je me suis dit : banco. Allons-y. Etudions ça. Est-ce que ça irait mieux si nous nous vengions après le viol ou le meurtre d’un être cher ? Que se passerait-il pendant la vengeance, et après ? Mentalement, je veux dire. Est- ce le Bien de faire cela, ou une annexe, une salle un peu cachée au fin fond du bar du Mal, dans laquelle on se sentirait grisés, tel des Dieux vengeurs, avant d’en ressortir pantelants, au bord du coma éthylique, encore plus mal au point qu’au départ ? Biotope interroge cela. Mais je laisse au lecteur le soin de trouver la réponse. Sa réponse. Son choix de faire le bien. Ou le mal. Si tant est que ces mots veuillent dire quelque chose.

Des projets littéraires pour 2022 ?

J’ai plusieurs romans en cours d’écriture. Rien de finalisé pour l’instant, mais les projets sont tout de même bien avancés dans leur rédaction. Je ne sais pas si les sorties auront lieu courant 2022 ou plutôt 2023. Mais je prends mon temps pour écrire, rêver et laisse vagabonder mon imaginaire. Et j’entame également une collaboration avec un scénariste autour de plusieurs projets de courts et longs métrages.

Je te laisse carte blanche pour terminer cette interview !

Je te dis simplement merci pour ton soutien, tes critiques, et cette interview ! Et merci aux lecteurs et aux lectrices d’avoir lu cette interview jusqu’au bout !

Merci David d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

4 réflexions au sujet de “Lumière sur… David Coulon !”

  1. Merci pour cet interview
    Je n’ai lu que « Le village des ténèbres », mais après la première trilogie de Gilberti (très noire, violente), donc un peu « léger »
    Ayant lu quelques critiques sur l’auteur, j’ai acheté « Dernière fenêtre sur l’aurore », qui devrait me le faire apprécier
    Ton interview me laisse à penser que je suis sur la bonne voie d’un auteur à suivre assurément

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    1. Avec plaisir ! Le village des ténèbres est en effet le plus soft des romans de David. Si je peux te conseiller mes deux préférés : Je serai le dernier homme et Biotope. Bon j’ai tout aimé hein, mais j’ai bien conscience qu’on ne peut pas acheter toute la bibliographie d’un auteur d’un coup donc je te donne mes deux principaux choix =)
      Très bonne journée à toi ! 🙂

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