Editions Lajouanie, Polar/thriller français

En chasse ! Jess Kaan

Après deux déceptions récentes (ici et deuxième chronique demain), il me fallait du lourd pour me remettre aplomb sous peine de plomber mon moral de lecture pendant des jours !

Et du lourd, j’en ai trouvé !

Il y a des livres qu’on ne voit pas assez, dont on ne parle pas assez, on sait pas trop pourquoi d’ailleurs certains livres explosent sur les réseaux sociaux alors que d’autres mériteraient d’être largement lus et conseillés. En chasse ! en fait partie. Si je l’ai découvert un peu par hasard en le sortant de ma PAL (pic nic douille tralala l’andouille…), il s’est révélé être un excellent moment de lecture !

Je vous parle aujourd’hui d’En chasse ! de Jess Kaan, publié chez Lajouanie.

L’histoire (4ème de couverture)

Nord de la France. Le lieutenant Boris Lisziak vient d’arrêter Le Moraliste, un tueur en série manipulateur et retors. À quelques encablures, la capitaine Garance Fazuras piste des barbares « chassant » en groupe, coupables de viols collectifs particulièrement atroces. Le commandant Demeyer rejoint le duo de policiers pour l’épauler dans une traque qui s’annonce impitoyable.Une bande de criminels monstrueusement pervers. Des victimes marquées à jamais. Trois flics prêts à tout. En chasse ! est bien plus qu’un roman policier, c’est une tragédie terriblement contemporaine.

Un polar… Mais pas que !

J’aime ces bouquins qui te plongent dès les premières pages dans une action de dingue, en te claquant un bon prologue (ou un bon premier chapitre comme c’est le cas ici) qui décoiffe ta tête de lecteur sans te faire bouger de ton canapé et qui annonce une suite tonitruante ! C’est LE procédé qui arrive à me captiver direct et qui fait que je n’arrive plus à décoller mes yeux et mon esprit de mon bouquin.

Ouverture sur une scène de viol. Ouais je sais, après le premier paragraphe de ma chronique tu te dis « putain la meuf hé, il lui faut une scène où une nana se fait défoncer pour aimer un bouquin« . Que nenni cher lecteur ! C’est juste que je ne lis pas un polar pour avoir l’impression de me balader au bord d’un lac en cueillant des pâquerettes, moi je lis du polar parce que je veux me prendre une réalité atroce en pleine gueule, je lis du polar parce que j’aime comprendre ce qui anime ces cinglés qui violent/tuent/torturent, et j’aime par-dessus tout voir se démêler les nœuds de l’intrigue mise en place par l’auteur.

Je préfère te le dire direct, si t’es un chouia trop sensible ou que tu n’aimes pas la violence dans les bouquins, En chasse ! n’est pas pour toi. Ce démarrage d’intrigue est dur, c’est cru, c’est détaillé, c’est la violence masculine dans toute son horreur qui vous est jeté à la gueule dès les premières pages, ça remue forcément les tripes et encore plus quand on est une femme parce qu’on s’identifie obligatoirement à un moment. Le viol fait partie des choses que je supporte le moins dans mes lectures, je sais c’est contradictoire avec ce que j’ai écrit précédemment, mais la violence qui sert l’intrigue est nécessaire, pour me plaire, dans un polar. D’ailleurs je supporte mieux une bonne scène de meurtre bien sanglante plutôt qu’une scène de viol car ça me met vraiment mal à l’aise, et ça me donne la furieuse envie de voir comment l’auteur va gérer ça. Le traitement que doit réaliser un écrivain sur ce genre de passages est délicat car il faut réussir à coller au plus près de la réalité pour provoquer l’effroi chez ses lecteurs sans tomber dans le voyeurisme, le croustillant, et sans en rajouter des caisses juste pour exciter nos plus bas instincts primitifs et faire du buzz comme je déteste (coucou Karine Giebel !). Jess Kaan a su parfaitement maîtriser ça dans son roman, avec beaucoup de retenue et d’humilité même s’il ne nous cache rien de la situation.

En chasse ! est un polar, un vrai, et l’auteur s’en est appropriés les codes (enquête, investigations, fausses pistes, rebondissements, enfin tu vois quoi, tout ce que tu trouves dans tous tes polars) en y ajoutant quelque chose de plus, et qui manque cruellement aux ouvrages du genre, tous calibrés de la même manière et dont on aura tout oublié quinze jours plus tard : il y a ajouté de l’humanité. Humanité dans ses personnages déjà, en les développant de manière forte sur le plan psychologique et en nous les présentant aussi d’un point de vue plus personnel, marqués parfois par les épreuves ou la maladie ; humanité aussi dans le travail qu’il fait autour des victimes de viol. Sous sa plume, ce femmes ne sont pas qu’un morceau de viande, elles sont au contraire au centre de toute l’intrigue. On assiste à l’après viol, du rendez-vous avec le médecin légiste qui examinera les blessures physiques, aux jours et semaines qui suivent quand elles doivent tenter de reprendre une vie normale avec ce traumatisme qui restera ancré en elles. J’ai aimé cette mise en avant des victimes car les auteurs de polars ont trop tendance à se focaliser uniquement sur l’enquête et l’équipe de police ou le criminel recherché.

L’auteur s’attache à être au plus près de la réalité également du côté des bourreaux, nous montrant ainsi que le monstre peut sommeiller en chaque homme, y compris celui qui partage notre lit ou nous a fait un enfant, et les diverses affaires de violences sexuelles faites aux femmes qui ont émergé ces deux dernières années, depuis l’affaire Weinstein, ont mises en lumière l’importance du phénomène. On assiste aussi à un pan de la vie de ces bourreaux, et on constate qu’ils sont capables de rentrer se coucher ou aller travailler comme si de rien n’était après avoir commis ce crime. Le tout, sans jamais tomber dans la banalisation du phénomène, sans jamais stigmatiser l’ensemble des hommes, et sans aucune forme de militantisme. Bravo l’auteur !

Le mot de la fin

On va être honnête, ce n’est pas la quatrième de couverture qui m’a donné envie de lire En chasse ! car je la trouve pleine de clichés, et qu’elle ne reflète vraiment pas la qualité de son contenu. Navrée, mais il fallait que je le dise.

Pour le reste, Jess Kaan a tout bon. Bien envie de lire son premier opus Punk friction, qui précède d’ailleurs En chasse !

Je recommande +++ !

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