Chronique entre potes, Editions French Pulp, Non classé

Enfermé.e – Jacques Saussey

 

C’est une chronique à quatre mains, enfin à deux cerveaux plutôt, que je vous propose aujourd’hui ! ça faisait un moment que le Booktubeur Nicolas de l’excellente chaîne « Il en pense quoi Nico ? » et moi avions envie de bosser ensemble sur une chronique, mais comme nous n’utilisons pas le même support, c’était un peu compliqué à mettre en oeuvre (d’ailleurs, c’est pas d’main la veille que vous me verrez sur YouTube 🙂 )

Notre choix s’est porté sur le dernier livre de Jacques Saussey qui est paru cette semaine, un roman noir, publié chez French Pulp. Bon ok, SON choix s’est porté sur Enfermé.e et il m’a forcée à le lire, parce que moi, à la base et après avoir lu la couverture, j’étais sceptique… J’adore Jacques Saussey, mais dès qu’on sort du cadre du thriller ou du polar pur et dur, vous savez que je n’adhère pas ! Les certitudes étant faites pour être bousculées, j’ai avalé ce bouquin en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et et je ressors assez chamboulée de cette lecture…

Je vous préviens, je vais verser dans le pathos aujourd’hui, et mon article ne sera pas forcément très axé sur une analyse concrète du livre et de l’écriture de l’auteur… J’ai d’ailleurs bien du mal à rédiger mon article, je comptais un peu sur Nico pour le faire à ma place mais visiblement, il est dans le même état que moi !

On vous parle aujourd’hui du dernier livre de Jacques Saussey, Enfermé.e, paru aux Editions French Pulp le 11 octobre 2018.

L’histoire (4è de couverture)

 » Si je ne peux pas être qui je suis, je préfère être morte plutôt qu’être emprisonnée dans un corps qui n’est pas le mien.  »

Les premiers papillons ont éclos derrière ses paupières. Elle en avait déjà vu de semblables, enfant, un été au bord de l’océan, jaunes et violets contre le ciel d’azur. Elle était allongée au soleil, l’herbe souple courbée sous sa peau dorée. Le vent tiède soufflait le sel iodé de la mer dans ses cheveux. Aujourd’hui, l’astre était noir. Le sol dur sous ses épaules. Et l’odeur était celle d’une marée putride qui se retire. Les papillons s’éloignaient de plus en plus haut, de plus en plus loin. Et l’air lui manquait. Lui manquait…
Elle a ouvert la bouche pour respirer un grand coup, comme un noyé qui revient d’un seul coup à la surface.
Les papillons ont disparu, brusquement effrayés par un rugissement issu du fond des âges…

Il en pense quoi, Nico ?

 

« C’est un roman poignant, cru et violent. […] Enfermé.e est un vrai coup de cœur ! »

Extrait de sa vidéo

Pour votre sa vidéo dans sa totalité, c’est ici que ça se passe :

https://www.facebook.com/ilenpensequoinico/

 

Elle en pense quoi, Anaïs ?

Ami lecteur, si tu as envie d’un bouquin feel-good, d’un bouquin positif qui apportera un rayon de soleil dans ta vie, ou que tu es un peu déprimé en ce moment, trace ton chemin direct parce que ça va pas le faire 🙂

Moi qui pensais être une lectrice barbare et sans état d’âme qui aime prendre son pied en lisant des horreurs sanglantes et macabres qui décoiffent ma tête de lectrice sans me faire bouger de mon canapé, force est de constater que :

  1. Il est possible que je ressorte complètement ébranlée d’une lecture, à un tel point que je suis un peu soupe au lait, voire même carrément déprimée depuis que je l’ai terminé,
  2. Finalement, je n’ai pas forcément besoin de toujours trouver, dans ma lecture, un amoncellement de cadavres décomposés ni une sombre enquête policière pour apprécier ma lecture,
  3. il y a bien un p’tit cœur fragile qui bat au fond de la serial lectrice sauvage que je suis…

Sur un ton cru que je ne connaissais pas forcément à l’auteur, Jacques Saussey déroule une intrigue axée sur Virginie, un personnage transgenre. La société n’aime pas beaucoup les personnes qui ne rentrent pas dans les cases, et nous allons suivre une partie de la vie de cette pauvre âme malmenée par une existence catastrophique et des rencontres souvent toxiques qui jalonneront sa vie. La violence transpire des pages, certaines passages m’ont été très pénibles à lire (« mais putain Nico qu’est-ce que tu m’fais lire comme bouquin sérieux!! »), d’autres sont plus voilés, ou disons plus suggestifs, mais c’est en quelque sorte pire parce que votre imagination fait le reste, c’est tout aussi dérangeant et j’ai eu le sentiment d’être un voyeur en assistant à toutes ces horreurs…

L’auteur alterne différentes périodes au fil des chapitres, ce qui nous donne la possibilité de suivre l’évolution de la vie de Virginie. Plus que la traditionnelle alternance passé/présent largement utilisée dans la littérature noire, ces divers allers-retours entre les multiples époques nous permettent de reconstituer, à la manière d’un puzzle, le parcours chaotique de notre personnage principal. Impossible de ne pas nous sentir concernés par ce qu’elle vit, impossible de ne pas ressentir un fort attachement envers elle, impossible aussi de rester insensible face à cette souffrance. J’ai été mal à l’aise pendant une bonne partie de ma lecture, j’ai ressenti l’effroi, la souffrance, la douleur, et le vide de cette solitude si pesante. L’écriture de Jacques Saussey est sans filtre, les termes sont dérangeants, crus, les personnages sont déshumanisés, à part Virginie, ils n’ont pas de prénom, tout juste un surnom qui décrit ce qu’ils sont (Le Père, la Mère, Le Bouledogue, Le Cinglé…), histoire que nous puissions tous prendre conscience qu’en chaque personne peut se cacher un violeur, un harceleur et plus globalement un monstre.

Et la fin, on en parle ou pas ? J’étais déjà pas très bien durant ma lecture, mais l’épilogue m’a clairement achevée…

Le mot de la fin

J’ai laissé mes tripes sur la table, mes émotions ont été broyées et j’ai le cœur en charpie après avoir terminé Enfermé.e, je n’arrive pas à me défaire de ces sentiments qui sont ancrés en moi telle une plaie qui a du mal à cicatriser alors que ça fait près d’une semaine que j’ai terminé mon livre. Une lecture d’une rare intensité.

On recommande !