
Je suis l’auteure islandaise Lilja Sigurðardóttir depuis la publication de son tout premier roman en France, Piégée. Peu d’auteurs islandais passent à la trappe chez moi et forcément ils passent un peu avant tout le monde une fois qu’ils atterrissent dans ma PAL !
L’auteure a déjà publié 4 romans en France, je vous propose avant de démarrer cette chronique de retrouver mes précédentes chroniques.
Série Reykjavik noir :
Autre roman :
Je vous parle aujourd’hui de Froid comme l’enfer, de Lilja Sigurðardóttir, traduit par Jean-Christophe Salaün, et publié cette semaine chez Métailié.
L’histoire (4ème de couverture)
Deux sœurs. Un thriller original et captivant où tout se joue dans l’atmosphère et les détails.
Aurora vit en Angleterre et sa sœur Isafold en Islande, elles sont très différentes et ont des relations compliquées. Isafold disparaît et leur mère, ne faisant pas la différence entre enquêtrice financière et enquêtrice policière, supplie Aurora d’aller chercher sa sœur.
Aurora ne peut pas s’empêcher de pratiquer ce qu’elle fait de mieux, démasquer les fraudeurs et les faire payer. Elle va donc profiter de ce voyage pour examiner de près certains investissements financiers douteux, et analyser la corruption islandaise tout en testant ses capacités de séduction sur deux hommes.
Elle découvrira surtout la violence domestique à laquelle était soumise Isafold et qu’elle niait farouchement subir ; au cours des témoignages qu’elle reçoit, elle voit évoluer les nuances de ses sentiments pour sa sœur. En même temps, des personnages inquiétants émergent peu à peu.
Nous suivons son enquête au fil des détails qu’elle nous donne sur les façons de vivre et de se parler, et par ce travail de dentellière elle nous fait entrer dans un monde plus complexe que ce dont il a l’air.
A nouveau une réussite !
J’ai aimé tout ce que j’ai lu de cette auteure, mais celui-ci est indéniablement mon préféré.
Alors que la trilogie Reykjavik noir faisait la part belle aux enquêtes liées aux trafics de drogue mais surtout aux trafics financiers, véritable gangrène de l’économie islandaise et qui a plongé le pays dans une quasi banqueroute il y a une dizaine d’années, cette fois l’auteure a décidé de s’éloigner un peu (mais pas trop) du monde des voyous en col blanc pour axer son intrigue sur la disparition d’une jeune femme ! Ici, les investigations ne sont pas abordées du point de vue de policiers, mais plutôt par celui de la famille de la jeune femme qui se lance à sa recherche, et notamment de sa sœur revenue d’Ecosse en catastrophe pour aider leur mère folle d’inquiétude. On apprendra rapidement que la disparue subissait régulièrement les coups de son mari violent, et qu’elle s’est volatilisée sans laisser de trace et sans prévenir personne.
Cet ouvrage peut être lu de manière totalement indépendante, même si on retrouve des réminiscences des précédents romans de l’auteure, car si Aurora enquête sur la disparition de sa sœur, la déformation professionnelle fait qu’elle se met également à mener l’enquêter sur son amant qu’elle soupçonne de malversations financières. Et s’il y a bien une chose qu’elle déteste par-dessus tout, ce sont les fraudeurs qui planquent leur argent à l’étranger ! Bon ok, elle n’aime pas vraiment non plus sa mère. Ni l’Islande, qu’elle semble avoir fuie pour on ne sait quelle raison (mais quelle idée d’être islandaise et de partir vivre ailleurs alors que des pauvres françaises ne demanderaient que ça d’aller s’installer là-bas ! =) )
Le personnage d’Aurora prend ici beaucoup de place. Ni sympathique ni antipathique, elle est une personne de caractère, avec quelques penchants pour la manipulation et avec la fichue habitude de se plier aux quatre volontés de son entourage au lieu d’apprendre à dire non. Pugnace dans les affaires, elle éprouve une grande lassitude suite à son retour au pays, et j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses à creuser sur elle pour comprendre comment elle en est arrivée à fuir l’Islande : qu’est-ce qui fait qu’elle semble tant détester son pays, qu’est-il arrivé au sein de sa famille pour qu’elle prenne autant de distance entre eux, pourquoi refuse-t-elle à tout prix l’éventualité de se mettre en couple ? J’espère retrouver ce personnage un jour, et en découvrir davantage à son sujet. C’est ce qui m’a peut-être manqué ici. Pourquoi pas dans un prochain tome ?
J’ai apprécié de la suivre dans cette quête pour retrouver sa sœur. Nous rencontrerons au fil des pages bien des personnages étranges. Nous soupçonnerons beaucoup de monde, du voisin bizarre au mari violent. C’est fait avec justesse de manière à nous balader de l’un à l’autre des suspects, jusque dans les dernières pages où l’on voit se dérouler la révélation finale.
Comme à son habitude, et de manière encore plus appuyée que ses homologues islandais (Arnaldur Indriðason, Ragnar Jónasson ou encore Yrsa Sigurðardóttir), Lilja évoque des sujets résolument modernes, ancrant ce roman, comme ses précédents, en plein dans l’actualité. La fraude financière, l’évasion fiscale, les violences faites aux femmes sont des sujets qui sont systématiquement abordés par la romancière, qui dresse ainsi un constat parfois amer de la société islandaise. J’aimerais, si l’occasion venait à se présenter, échanger avec elle pour savoir si, à travers la voix d’Aurora, ça ne serait finalement pas un peu elle, l’auteure, qui nous confierait son ressenti sur la société dans laquelle elle vit.
Le mot de la fin
J’aime les romans qui mêlent intrigue policière et et véritable cliché, dans le sens photographique du terme, de la société dans lesquels ils évoluent.
Lilja fait ça à merveille, et si vous êtes un tant soit peu intéressé par l’Islande, ce roman devrait vous plaire !
Je recommande !