
J’ai lu à l’automne dernier le premier roman de l’auteur suédois M.T. Edvardsson, Une famille presque normale, et il avait fait partie de mes excellentes surprises 2021. Forcément quand ça se passe aussi bien entre un premier roman et moi, j’ai envie de continuer avec les suivants !
Ceux d’à côté est paru tout récemment, et il a été lu quasiment d’une traite !
Je vous parle aujourd’hui de Ceux d’à côté, de M.T. Edvardsson, publié chez Sonatine.
L’histoire (4ème de couverture)
Les bonnes clôtures font les bons voisins.
À Köpinge, localité résidentielle proprette de Suède, tout le monde se connaît, et l’entraide entre voisins fait office de loi. Du moins, en apparence. Car Mike et Bianca Andersson, qui ont quitté Stockholm pour élever leurs deux enfants dans le calme de la petite ville, découvrent rapidement que leur voisinage est loin d’être aussi idyllique que prévu. Entre Jacqueline, l’ex-mannequin croqueuse d’hommes, Ola, le voisin collant au passif violent, et Åke et Gun-Britt, le couple de retraités avides de ragots, la rancoeur et les tensions ne sont jamais loin. Et le malaise monte, lentement, au sein même du couple des Andersson. Jusqu’à un accident qui va faire basculer leurs vies.
Après Une famille presque normale, lauréat étranger du prix Nouvelles voix du polar 2021, M. T. Edvardsson est de retour pour disséquer, avec un sens inégalé du suspense, la société suédoise et les travers d’une petite communauté bien sous tous rapports. Connaissez-vous vraiment vos voisins ? Au point de laisser la porte ouverte ?
Parlons du fond
Prenez un quartier paisible, des petites maisons individuelles proprettes, bien entretenues, un voisinage soudé et à priori bienveillant, ajoutez la famille Andersson qui débarque de la ville pour se mettre au vert avec les enfants, saupoudrez le tout d’un bon drame, et vous obtiendrez Ceux d’à côté !
Nous suivons le parcours de cette famille qui vient d’emménager dans ce quartier fort charmant. Nous apprenons à découvrir son environnement, les gens qui composent le voisinage, leurs enfants… Quand soudain le drame, la mère de famille est renversée par une voisine alors qu’elle circulait à vélo à deux pas de chez elle. Vrai accident malheureux ou acte volontaire ? Il faudra remonter plusieurs années dans le passé pour comprendre que la petite couche dorée de ce quartier qui fait rêver n’est qu’une façade et que derrière les sourires, l’amabilité et les repas entre voisins, se cachent parfois des choses bien peu reluisantes.
Le voisinage, c’est ce microcosme où tout le monde se connaît, où chacun surveille bien planqué derrière ses rideaux la vie des autres, c’est un lieu où les gens se montrent, pour la plupart, bienveillants par devant, mais où les langues fourchent lorsqu’on se retrouve dans l’intimité de notre foyer « tiens, j’ai vu que le voisin célibataire est allé passer du temps chez la voisine en l’absence de son mari » ou alors « ce gosse a un sérieux problème, quel manque d’éducation ! ». On juge sans connaître. C’est humain en même temps que malsain.
Les familles frôlent parfois ici la caricature, entre notre couple composé de Bianca, Micke et leurs enfants, citadins qui ont fait le choix de partir à la campagne pour vivre en sécurité, les retraités à la pelouse impeccable qui sont un peu les rassembleurs du coin mais qui, dans le même temps, aiment imposer leur vision de la gestion du quartier, la voisine mère célibataire au passé glorieux qui aguiche bien volontiers les hommes de tout le secteur à grand renfort de séances de bronzage en tout p’tit bikini, et le voisin plutôt taciturne et renfermé qui semble porter en lui un certain côté obscur… Il y a de quoi se méfier de tout le monde !
Parlons maintenant de la forme…
L’auteur a opté pour la construction traditionnelle passé et présent. Dans le temps présent, nous assistons à l’accident, à l’hospitalisation de la mère de famille grièvement blessée, à la détresse de sa famille en attendant de savoir si elle va survivre et à l’inquiétude de tout le voisinage. Ce récit au présent est ponctué de nombreux allers-retours dans le passé, qui s’étalent de l’aménagement de la famille jusqu’au jour du drame. Nous découvrons alors des tranches de vie qui vont s’imbriquer les unes aux autres et conduire à cet évènement tragique. Bien que traditionnelle, cette construction a eu pour mérite de nous donner le sentiment d’être face à un grand puzzle que nous devons reconstituer. Alors que se succèdent des scènes banales de la vie quotidienne du quartier et de ses habitants, il y a par moment des indices qui nous permettent de sentir venir les ennuis. C’est fait de manière particulièrement habile, ça éveille notre curiosité à tel point qu’il nous est impossible de lâcher le roman.
Les chapitres donnent la voix à différents personnages. Ainsi, la multiplicité de points de vue apporte un éclairage particulier, et nous pousse à comprendre que derrière la plus lisse des personnes peut se cacher quelqu’un qui souffre, quelqu’un qui cache sa nature réelle aussi et un passé qu’il aurait préféré garder derrière lui. Chacun a son mot pour se dédouaner et accuser l’autre, mais qu’en est-il réellement ? C’est là tout le suspense du roman, comprendre ce qui a créé cette tension insupportable qui gangrène le quartier et qui a conduit à un pareil drame. L’auteur prend le soin de ménager son suspense jusqu’aux toutes dernières lignes, j’ai trouvé ce final absolument palpitant !
Comme bon nombre d’auteurs nordiques, M.T. Edvardsson aborde ici de nombreux thèmes de société. Il est question de harcèlement scolaire, de stigmatisation et d’intolérances vis-à-vis des personnes qui sont considérées comme différentes, des difficultés à trouver des moyens adaptés pour les aider à s’intégrer dans la société, mais aussi des violences en tous genres, des difficultés à élever un enfant seule… Ces thèmes donnent du corps à l’intrigue en l’élevant à un rang plus important que le simple thriller domestique.
Le mot de la fin
Les Desperate Housewives à la sauce suédoise !
Je trouve ce genre de roman formidablement divertissant et j’avoue bien volontiers qu’il a titillé le côté voyeur enfoui en moi. Que celui qui n’a jamais jeté un œil derrière ses stores alors qu’il se passait quelque chose de croustillant dans la rue me jette la première pierre ! Je fais partie de ces voisines discrètes (ok sauf quand je mets mes vinyles à fond pendant 3h et que je chante hurle sur mes chansons préférées en astiquant toute la maison !) mais qui garde quand même un œil sur ce qu’il se passe autour de chez elle…