
Dixième roman de Ragnar Jónasson traduit en français, et dixième excellente chronique de ma part.
Vous n’êtes pas sans savoir l’estime et l’admiration que je porte à l’œuvre de cet auteur dont je suis une des plus fidèles lectrices depuis son tout premier roman traduit en français, Sjnor. Mon islandais préféré revient cette fois avec un nouveau roman qui semble être un one shot, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a pris des risques en sortant de sa zone de confort !
Je vous parle aujourd’hui de Dix âmes, pas plus, de Ragnar Jónasson et traduit par Jean-Christophe Salaün.
Pour aller plus loin et avant de découvrir ma chronique, vous pouvez retrouvez tous mes articles sur l’auteur en cliquant sur ce lien. L’article est à jour de toutes les nouveautés.
L’histoire (4ème de couverture)
Dix habitants au bout du monde.
Un mort.
Neuf suspects.
Recherche professeur au bout du monde. Voici une petite annonce qui découragerait toute personne saine d’esprit. Pas Una. La jeune femme quitte Reykjavík pour Skálar, l’un des villages les plus reculés d’Islande, qui ne compte que dix habitants. Malgré l’hostilité des villageoi. Malgré l’isolement vertigineux.
Là-bas, Una entend des voix et le son fantomatique d’une berceuse. Et bientôt, une mort brutale survient. Quels secrets cache ce village ? Jusqu’où iront ses habitants pour les protéger ?
Terrifiant huis-clos
Direction un minuscule village de l’est de l’Islande, coupé du monde et peuplé de seulement dix habitants où une jeune professeure de Reykjavik décide de faire un break dans sa vie en partant s’installer là-bas pour faire la classe aux deux seules petites filles du secteur. Skálar, lieu idéal pour une retraite paisible au milieu de la nature sauvage islandaise, vraiment ? C’est mal connaître Ragnar Jonasson !
L’auteur est passé maître, en l’espace de dix romans, dans l’art du huis-clos. Presque tous ses romans ont pour thèmes centraux l’isolement et le fait d’être coupé du monde loin de chez soi. Il retranscrit avec brio, peut-être même avec plus de force encore que dans ses précédents romans, l’environnement étouffant et angoissant des lieux dans lesquels il situe son intrigue. Moi qui suis quelqu’un d’assez réservé, voire carrément sauvage par moment, je rêverais de pouvoir vivre dans un lieu identique, éloigné de tout où la nature, mes lectures et un peu de café me suffiraient pour vivre en toute quiétude. Skálar serait un peu mon petit paradis à moi, s’il n’y avait pas ses sombres habitants, leur accueil parfois plus glacial que l’hiver islandais, et bien des mystères qui entourent le village. Flirtant par moment avec un soupçon de fantastique (attention je n’ai pas dit que c’était un roman fantastique !!!), l’auteur explore tout un pan de la littérature noire que je ne lui connaissais encore pas. Dans ce roman pas d’enquête, pas flics, tout juste une mort violente, inattendue, qui m’a fait d’ailleurs manquer un battement de cœur et lâché à haute voix un juron « bordel non ! ». Et même si Dix âmes, pas plus, n’est pas réellement un thriller, l’auteur a pourtant réussi à créer un climat angoissant de tous les diables, bourré de suspense à t’en couper du monde qui t’entoure tellement tu as envie de poursuivre ta lecture. Certains passages ne sont pas sans rappeler Snjor et l’arrivée d’Ari Thor à Siglufjordur, et bien que l’intrigue n’ait aucun lien avec sa série Ari Thor, je reconnais indéniablement la patte de l’auteur dans ce récit.
Ragnar Jónasson n’est pas un écrivain à pavés, comprenez que ses ouvrages ne sont jamais bien longs. Il se doit de faire rentrer dans un nombre de pages restreint une intrigue, du suspense, un dénouement. L’auteur évoque le village à un moment donné de l’intrigue en expliquant : « Il faut réussir à s’immerger dedans, comprendre son rythme ». Impossible de ne pas faire de parallèle avec l’œuvre de l’auteur. On reproche souvent aux nordiques un rythme trop lent, et on ne s’attarde pas assez sur l’atmosphère qui s’en dégage et qui peut apporter malgré tout le suspense qu’on attendrait de trouver dans un polar ou un thriller. J’ai dû l’écrire une centaine de fois sur ce blog, à chaque fois que je vous parle d’un nordique, mais pour moi l’atmosphère et l’environnement sont plus importants encore que les éléments qui donnent du rythme à une intrigue, tels que les meurtres ou les rebondissements à foison. L’atmosphère permet de nous ancrer solidement dans l’histoire qui se déroule sous nos yeux, elle permet de mettre en éveil tous nos sens. Ce sont ces ouvrages qui me marquent le plus, et ceux avec lesquels je m’éclate le plus. Bien sûr, le pays dans lesquels ils se déroulent jouent énormément sur ce ressenti, c’est mon côté globe-trotteuse !
Le village est un personnage à part entière dans le récit. L’auteur prend un soin tout particulier à le décrire, à décrire aussi les sensations du vent, du froid et de la nuit quasi permanente à cette époque de l’année. On entendrait presque le craquement dans la neige, la violence du vent qui frappe la façade des maisons, on sentirait presque la chaleur des bougies allumées pour éclairer la nuit, l’air marin et les odeurs de poisson quand les quelques pêcheurs du village rentrent à terre. Le village semble prendre vie sous l’écriture de l’auteur avec une sensibilité toute particulière. Grâce à cette écriture particulièrement imagée, les mots choisis avec soin, il y a une forme de poésie et de musicalité dans ce texte. Il me semble important de mettre en avant le travail réalisé par le traducteur Jean-Christophe Salaün, qui a su retranscrire l’essence de ce roman sans la dénaturer.
Le mot de la fin
L’auteur prouve à nouveau son talent incroyable en sortant de sa zone de confort, et en allant explorer d’autres aspects de la littérature noire, sans pour autant en perdre son âme et ce qui fait la force de son écriture.
Un ouvrage d’une sensibilité remarquable. Du grand Ragnar Jónasson.
Bah dis donc 😍. J’ai dû lire ta chronique en apnée, Anaïs, merci à toi. 🙏😘
J’aimeAimé par 1 personne
Oh merci tu es adorable ❤ Très bon dimanche à toi !
J’aimeAimé par 1 personne