Voilà un auteur dont je parle beaucoup ces derniers mois (et c’est pas fini ! ) et qui ne cesse de me surprendre par l’étendue de son talent et sa capacité à se mouvoir aisément dans différents genres littéraires. Mea culpa, je l’ai découvert sur le tard, et mon objectif est de m’enfiler la totalité de sa biographie polar/thriller avant la fin d’année.
On ne va pas parler d’un roman aujourd’hui, mais d’un recueil de nouvelles. J’ai toujours beaucoup de mal à chroniquer ce genre d’ouvrage, mais je vais faire ce que je peux…
Un conseil : ne vous fiez pas à son titre rose bonbon sur la couverture…
Je vous parle aujourd’hui de Qui veut gagner le Paradis ?, de Philip Le Roy, publié chez Cosmopolis.
Quatrième de couverture
250 personnes seront victimes de violences meurtrières pendant que vous lirez ce livre*
Près de 1 300 homicides se produisent chaque jour aux quatre coins du monde, de la Californie à Bornéo, du Congo à Paris, de Nice à Kaboul.
Visiblement, sans lien apparent.
4 hommes sur 5 et d’1 femme sur 2 ont déjà eu l’intention de tuer au cours de leur vie**
Les auteurs de ces crimes et leurs victimes sont de tous les âges, nationalités, origines sociales, orientations politiques ou sexuelles.
Cela pourrait être n’importe lequel d’entre nous.
À qui le tour de tuer… ou d’être tué ?
Étroite est la porte et resserré est le chemin menant au Paradis, et il y en a peu qui les trouvent***
Comment échapper à la violence d’un monde absurde et oppressant ?
Le Paradis existe-t-il ? Il faut trouver une issue, mais vite, car le compte à rebours a commencé depuis longtemps.
Philip Le Roy est scénariste et auteur de thrillers dont Le Dernier Testament, Grand Prix de Littérature Policière. Qui veut gagner le Paradis ? est un thriller à fragmentations. Il repousse les limites de l’art de la nouvelle qui comme le disait le maître du genre Philip K. Dick consiste à surprendre le moment le plus intense de notre existence. Un ouvrage hors normes à ne pas mettre entre toutes les mains.
* Selon une étude de l’ONU, près de 464 000 personnes dans le monde ont été victimes de violences meurtrières en 2017, soit cinq fois le nombre de personnes tuées dans des conflits armés au cours de la même période.
** Selon une étude portant sur 760 étudiants, 79 % des hommes et 58 % des femmes ont déjà eu au cours de leur vie des pensées visant à tuer quelqu’un.
*** Évangile selon Matthieu 7.13-14.
Monstrueux !
Un jet d’acide dans mes yeux de lectrice. Un recueil de 42 nouvelles, noir de chez noir.
Philip Le Roy n’a pas froid aux yeux et il nous emmène affronter la réalité dans ce qu’elle a de plus moche, de plus violent, de plus cru aussi. Jamais moralisateur, une pointe de sarcasme et de cynisme par-ci par-là qui égratignent au passage, ça se lit avec une certaine délectation, un sourire diabolique au coin des lèvres devant tant de politiquement incorrect.
42 nouvelles et autant de parcours différents. Des gens biens à qui il arrive des merdes, sentiment de lassitude et de désespoir chez le lecteur qui se dit que la vie est quand même sacrément mal foutue et qu’elle ne s’en prend pas toujours aux bonnes personnes, mais aussi des salauds à qui il arrive malheur et cette fois on prendrait presque notre pied devant leurs souffrances. La roue qui tourne et qui finit par les écraser au passage, ça réveille les plus bas instincts, chez les personnages qui composent le recueil, mais aussi chez nous lecteurs, il faut bien l’avouer.
Il y aura ici des drames humains, des trahisons, des mauvaises rencontres, des instants d’inattention qui se transforment en catastrophe, des vengeances, et tout un panel de sentiments et d’émotions aussi complexes qu’extrêmes que ça suscite. Vous n’êtes pas qu’un simple spectateur, vous êtes le témoin privilégié de la décadence par la violence omniprésente.
De la plus courte nouvelle qui se résume à quelques mots jetés sur le papier à la plus longue d’une vingtaine de pages, on se prend quelques grandes vérités et prises de conscience en pleine tronche. Comme chaque prise de conscience, ça ébranle, ça émeut et ça marque de manière indélébile.
Le grand talent de Philip Le Roy c’est de réussir à faire passer un nombre incroyable de messages et de susciter autant d’émotions avec si peu de mots. Il va à l’essentiel pour en extraire le nectar, il ne s’embarrasse pas de superflus, mais n’en oublie pas à chaque fois cette chute, propre à la nouvelle, et qui précipite le lecteur dans les abîmes de l’humanité. Ce n’est pas à mettre dans toutes les mains, surtout pas entre celles qui auraient besoin de réconfort en ce moment.
Le mot de la fin
Qui veut gagner le Paradis ? est un aller simple vers l’Enfer de notre société.
Brillant, intelligent et sans concession. Philip Le Roy redonne ses lettres de noblesse au genre de la nouvelle qu’il magnifie malgré la noirceur qui s’en dégage.
Quand on sait à quel point l’écriture d’une nouvelle est compliquée, et à quel point l’exercice est redouté par bon nombre d’auteurs expérimentés, ça force au respect.
Du grand art, à lire impérativement.