
Il est déjà l’heure de vous parler du dernier roman de la trilogie La dame de Reykjavik de Ragnar Jónasson.
Je vous ai déjà parlé sur le blog des deux premiers ouvrages de la série, La dame de Reykjavik et L’île au secret. La particularité de cette série est que les romans ont été publiés dans l’ordre inverse de l’intrigue, c’est-à-dire que c’est le dernier qui a été publié en premier en 2019, et que nous allons donc remonter le fil du temps afin de découvrir ce qui a conduit à certains événements. J’ai été désarçonnée dans un premier temps par cette construction, mais avec le recul je dirais que c’est un coup de maître car certaines révélations vous tombent dessus avec tellement de force et sans que vous vous y attendiez qu’elles créent un choc immense, donnant ainsi l’envie furieuse d’aller creuser dans le passé des personnages afin de comprendre leurs drames, et de les vivre à leurs côtés.
Je vous parle aujourd’hui de La dernière tempête, de Ragnar Jónasson, traduit par Jean-Claude Salaun, publié chez La Martinière.
P.S : si vous n’avez pas encore lu les deux premiers tomes de la série, je vous conseille de quitter cet article sans plus attendre car je vais spoiler les deux premiers tomes. Il m’a été impossible de rédiger cette chronique, sur laquelle je suis depuis une semaine, sans parler des deux précédents romans.
P.S. 2 : on me demande régulièrement l’ordre de lecture des ouvrages de Ragnar Jónasson. Je vous invite à consulter mon article dédié en cliquant ici.
L’histoire (4ème de couverture)
» Ragnar Jónasson ne serait-il pas le meilleur auteur de romans policiers de notre époque ? » The Times
La terrible tempête de neige qui s’abat sur l’Islande aurait dû décourager les plus téméraires de s’aventurer à l’extérieur.
Ils l’ont pourtant fait.
Ce couple n’aurait jamais dû laisser entrer chez eux un inconnu. Il l’a pourtant fait.
Un invité indésirable. Un mensonge innommable. Un meurtre. Tous ne survivront pas à cette nuit. Et l’inspectrice Hulda, chargée de l’enquête, continuera d’être hantée par ses fantômes très longtemps encore.
Quelle tristesse !
Nous retrouvons donc Hulda alors jeune flic et mère de famille : son mari et sa fille sont encore en vie, et nous découvrons ce qu’était alors leur quotidien, entre temps passé en famille et à ses côtés dans son environnement professionnel où elle a encore tout à prouver. Parallèlement nous suivrons ses investigations pour tenter de faire la lumière sur le meurtre d’un couple qui vivait au beau milieu de la campagne islandaise, loin de toute civilisation. L’auteur nous plonge également dans toute une partie du récit qui a trait à la vie de ce couple, dans le huis-clos de leur ferme isolée en raison d’une tempête de neige à l’approche de Noël. Le huis-clos est un procédé que l’auteur maîtrise à la perfection et qu’il utilise couramment dans ses ouvrages. Je ne développerai pas cette partie dans ma chronique au risque qu’elle soit bien trop longue pour vous donner envie d’aller la lire jusqu’au bout.
Quand on connaît la suite de l’histoire d’Hulda parce qu’on a lu les deux premiers tomes, il y a quelque chose de terrifiant à assister à cette vie quotidienne banale, dont on sait qu’elle va basculer, en implosant avec perte et fracas. Aucun personnage ne sait encore ce qui l’attend, aucun ne se doute qu’il est assis sur une poudrière et que tout va exploser, anéantissant sa vie, ses certitudes, ses espoirs et son avenir. Nous, en tant que lecteurs, on la connaît cette suite, et on sait qu’on ne pourra rien faire à part assister impuissants aux événements dramatiques qui vont se succéder. Quand on s’est attaché à Hulda autant que moi durant les deux premiers tomes, il est impossible de ne pas se sentir concerné par ce qui lui arrive.
Comme dans les deux précédents romans, un sentiment de malaise m’a submergé pendant ma lecture. Difficile à expliquer avec des mots, je dirais qu’il ressort un désespoir terrible de cette histoire, que le fait de savoir ce qui se déroule ensuite dans la vie de nos personnages accentue ce malaise. Je me suis sentie impuissante face à Hulda, ce personnage que j’ai tellement aimé et qui me touche au plus profond de moi. J’ai toujours été sensible face aux malheurs des gens, ceux qui enchaînent galère sur galère sans pouvoir s’en sortir. On est bien tenté de se dire qu’à sa place, on aurait vu certaines choses, on se serait douté que quelque chose ne tournait pas rond, mais qui sait finalement si nous aussi, nous n’aurions pas été aveuglés au point de ne pas voir l’indicible ?
Peu de lumière dans ce roman, déjà parce qu’une partie se déroule en hiver en pleine période fêtes de fin d’année, au moment où le soleil ne fait que de rares apparitions dans le ciel islandais entre deux tempêtes de neige, mais également de par l’ambiance incroyablement oppressante qu’il met en place dès le début du roman. A bien y réfléchir, c’est tout cette série qui se vent sombre et oppressante, je ne peux pas vous parler de La dernière tempête sans vous parler des deux précédents ouvrages. J’ai rencontré Ragnar Jónasson juste après ma lecture de La dame de Reykjavik, j’ai pu lui faire part de mon sentiment vis-à-vis de ce roman, à savoir qu’il était le roman de la déprime et que j’ai vraiment ressenti beaucoup de tristesse à la lecture de celui-ci, à la lecture aussi de la dernière partie où Hulda est dans une bien mauvaise posture. (si vous n’avez pas suivi mes recommandations de ne pas lire l’article si vous n’avez pas lu les deux premiers tomes, dernier rappel, sauvez-vous immédiatement, ou si vous me lisez quand même, ne me disputez pas de vous avoir spoilé le reste de la série ! ) Je lui ai alors posé la question de savoir si pour lui, elle était vivante ou morte, et il m’a simplement répondu qu’elle serait ce que moi je déciderai. Alors parce que je suis quelqu’un de profondément optimiste et positif malgré un spleen qui m’habite depuis toujours, j’ai décidé qu’elle serait vivante. Il est inconcevable pour moi qu’elle puisse mourir comme ça, alors qu’elle a eu une vie tellement difficiles et jalonnée de tellement de drames. Je voudrais que pour une fois quelque chose lui soit épargné, je voudrais la réconforter, lui dire qu’après le mauvais temps le soleil finit toujours par se lever et qu’il est maintenant le moment d’en profiter avant la fin.
Je n’ai pas beaucoup parlé suspense, ni polar, ni enquête dans cette chronique. Elle passe en second plan, l’accent est mis sur les parcours de vie, que ça soit celui d’Hulda et de sa famille ou bien celui du couple assassiné. Dans cette trilogie, l’humain est au centre de tout, les rapports familiaux et filiaux également, avec tout ce que cela peut engendrer comme émotions diverses : la joie, la tristesse, la souffrance du deuil impossible ou bien encore le besoin viscéral de vengeance et de haine quand on s’en prend à nos proches. C’est toute cette panoplie qui est utilisée par l’auteur pour écrire non pas un simple polar dont on aura tout oublié dans les semaines à venir, mais une trilogie poignante qui marquera les lecteurs sur le long terme.
Le mot de la fin
Aucun doute avant de commencer ce roman, il me plairait forcément ! Neuvième roman publié de l’auteur islandais en France, il clôture admirablement bien la trilogie La dame de Reykjavik.
Ragnar Jónasson est le prodige du polar nordique. Ni plus, ni moins.