
La parution d’un nouveau roman d’Arnaldur Indridason est toujours un grand événement pour moi, je suis l’auteur depuis 2014 et je suis une grande admiratrice de son travail.
Cet ouvrage fait partie de la série Konrad, du nom de l’inspecteur à la retraite que nous suivons depuis deux ans déjà avec Ce que savait la nuit et Les fantômes de Reykjavik paru l’an dernier. Pour la première fois depuis que je lis cet auteur, je n’avais pas accroché à son dernier roman et j’étais un chouia angoissée avant de démarrer celui-ci. Et pourtant cette fois, ça c’est plutôt bien passé !
Je vous parle aujourd’hui de La pierre du remords, d’Arnladur Indridason, publié chez Métailié.
N.B : pour ceux qui aimeraient découvrir cet auteur et qui se sentent perdu dans la multitude de romans publiés, je vous invite à consulter mon article publié en décembre 2019 et où je vous mets l’ordre de lecture, et où je vous donne mon avis sur l’ensemble de l’œuvre de l’auteur.
L’histoire (4ème de couverture)
Un livre impitoyable sur les regrets et le désespoir du remords. Une construction haletante et surprenante sur l’inévitabilité d’un passé qui refuse de se laisser oublier.
Troisième roman de la série Konrad, plus simenonien et mélancolique que jamais.
Une femme est assassinée chez elle. Sur son bureau, on retrouve le numéro de téléphone de Konrad, ancien policer. L’enquête révèle rapidement qu’elle l’avait contacté récemment pour lui demander de retrouver l’enfant qu’elle avait mis au monde cinquante ans plus tôt, et qu’elle avait abandonné juste après sa naissance. Maintenant désolé de lui avoir refusé son aide, Konrad s’emploie à réparer son erreur. Il retrouve les membres d’un mouvement religieux contre l’avortement et reconstruit l’histoire d’une jeune fille violée dans le bar où elle travaillait. Il retrouve aussi un clochard équivoque, des trafiquants de drogue et même des fragments de l’histoire de la mort violente de son père.
Lorsqu’il retrouvera l’enfant, il mesurera l’ampleur de la tragédie dans laquelle son intuition et son entêtement l’ont plongé.
Konrad se révèle un enquêteur sensible à la souffrance des autres, d’une humanité touchante.
De l’Indridason pur jus !
La construction du récit n’étonnera pas les lecteurs d’Indridason, l’enquête sur le meurtre de la vieille dame n’est que la face émergée de l’iceberg, et cette partie du récit se fait discrète, servant surtout à dérouler ce qu’Indridason préfère écrire, c’est-à-dire du roman noir, du roman qui parle de la société islandaise surtout et de ses travers.
En bonne touriste que je suis, j’idéalise complètement ce pays et j’imagine ses habitants vivre dans une sorte de monde merveilleux loin de toute déviance sociétale. Que nenni. Comme dans tous les autres pays du monde, l’Islande a aussi son lot de travers et de pourris : drogue, anti-avortements, violences en tous genres. Les scènes de violence ne sont pas légion chez Indridason, il y a une certaine pudeur chez les islandais à écrire de la violence. Elle est plutôt évoquée, suggérée, au détour d’une phrase, ou lors de révélations faites par les personnages, on la ressent aussi dans les émotions qui les animent, et qui finissent forcément par atteindre le lecteur. C’est là que se joue la magie Indridason, et ce qui le différencie des autres auteurs, c’est cette noirceur des sentiments, ce spleen constant et cette mélancolie qui trouveront forcément écho en chacun d’entre nous.
Indridason semble être obnubilé par le passé et les conséquences qu’il peut avoir sur nos vies. Chacun de ses romans évoque ce thème, à chaque fois une partie de l’intrigue se déroule dans un passé vieux de plusieurs décennies, souvent dans les années 60 ou 70. C’était le cas avec sa série Erlendur, c’est à nouveau le cas avec la série Konrad. C’est rarement joyeux, autant vous le dire.
Les chapitres courts contrebalancent une intrigue lente et qui prend son temps, les allers-retours entre passé et présent donnent une dynamique intéressante au récit même si on se sent parfois un peu perdu, la date et les lieux n’étant pas mentionnés en début de chapitre. On s’y fait rapidement mais ça peut être déroutant par moment.
Il m’est impossible d’imaginer Konrad sans y voir des réminiscences d’Erlendur, son personnage fétiche présent dans son autre série. Tous deux passablement complexes, pas franchement sympathiques de prime abord, carrément sauvages par moment, on comprend au fur et à mesure du temps et des tomes de la série qu’ils portent en eux de profondes souffrances qui ont contribué à faire d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Toujours avec la même pudeur, l’auteur nous immisce dans leur vie et dans leur tête afin qu’on comprenne toutes les subtilités de leurs personnalités. C’est ça aussi la force des romans d’Indridason, des personnages humains, souvent en proie à une certaine dualité.
Le mot de la fin
Ce roman est, peut-être encore plus que ses précédents, empreint de mélancolie, le poids du remords et de la culpabilité qui pèse sur certains des personnages est terrible, et il en ressort un ouvrage poignant et rempli d’humanité.
Un ouvrage qui pourrait être lu aussi bien par les amateurs de littérature noire que par les lecteurs de littérature générale grâce à sa consonance très littéraire, rendue possible grâce à la traduction toujours impeccable d’Eric Boury dont je tiens, à nouveau, à saluer le travail.