Coup de coeur, Editions Rivages Noir, Polar américain

Mystic River – Dennis Lehane

Considéré comme l’un des auteurs incontournables de la scène polar américaine, Dennis Lehane n’était, jusqu’à il y a peu, qu’un vague nom qui flottait quelque part dans mon esprit… Quand je vous dis que j’ai une culture de la littéraire américaine digne d’un bédouin qui vit en plein désert, je n’exagère pas ! (et j’t’en cause pas de mon inculture ciné ! )

Mystic River est donc mon premier roman de cet auteur et… Ben je vais tout simplement faire péter la carte bleue et passer commande du reste de sa bibliographie ce week-end ! ça vous donne direct le ton pour la chronique à venir !

Je vous parle aujourd’hui de Mystic River, de Dennis Lehane, publié chez Rivage Noir.

L’histoire (4ème de couverture)

Ce jour de 1975, Sean, Jimmy et Dave sont loin de se douter que leur destin va basculer de façon irrémédiable. Une voiture s’arrête à la hauteur des enfants, deux hommes qui se prétendent policiers font monter Dave avec eux sous prétexte de le ramener chez lui. Il ne reparaîtra que quatre jours plus tard. On ne saura jamais ce qui s’est passé pendant tout ce temps. Vingt-cinq ans après les faits, les trois garçons ont fondé des familles. Comme un écho au kidnapping de Dave, l’assassinat de Katie, la fille de Jimmy, va les mettre de nouveau en présence. A mesure que Sean, qui est devenu flic, mène l’enquête, ce sont autant de voiles qui se lèvent sur de terribles vérités. Roman très noir, mais aussi hymne à la vie, Mystic River est une oeuvre qui touche droit au coeur. Clint Eastwood en a tiré une remarquable adaptation récompensée, entre autres, par l’Oscar du meilleur acteur pour Sean Penn et le César du meilleur film étranger.

Nom de dieu, quel bouquin !

Les mauvaises langues diront que j’enchaîne un peu trop les chroniques élogieuses pour être crédible en ce moment, je leur répondrais simplement que je choisis bien mes lectures, et qu’en fonction de mes goûts que je connais bien à force de ne lire que du polar, et je ne vais pas contenir mon enthousiasme d’avoir découvert un roman de cette puissance !

Si les cinquante premières pages m’ont paru un peu lourdes et m’ont fait craindre une lecture longue, fastidieuse et peu reposante en raison du nombre de personnages qui nous sont présentés, une fois qu’on a compris les liens entre tout ce petit monde, et qu’on a pris un peu de recul à la manière d’un photographe qui immortalise une scène et qui prend le temps de détailler son cliché, on rentre dans l’histoire pour en ressortir au bout de plusieurs heures avec la satisfaction d’avoir lu un très grand polar. Une fois les bases de l’intrigue solidement fixées, je me suis laissée embarquer dans cette intrigue pas forcément très rythmée, mais qui a obnubilé mes journées alors que je devais la lâcher pour aller bosser. Quel talent dans l’écriture, quel talent pour rendre à ce point palpables des émotions aussi opposées qu’indissociables, telles que la souffrance, l’amour, le vide de l’absence, ou encore la vengeance !

Je peux en parler car la quatrième de couverture évoque le meurtre de la fille d’un des protagonistes ; la découverte de la scène de crime et le moment où le père comprend que sa fille est morte est un des passages les plus marquants de toute ma vie de lectrice. Ils sont peu les passages comme ça, qui me marquent à ce point et dont je me souviendrai encore pendant des années… Ça m’est arrivé avec Barbara Abel et son Derrière la haine, avec Mehdy Brunet aussi et le prologue de son Sans raison, et il y a eu celui-ci, dans Mystic River. Le passage se déroule sur des pages et des pages, c’est écrit tout en subtilité, en finesse et sans jamais tomber dans le sensationnel. C’est criant de réalisme, c’est écrit de manière à faire souffrir le lecteur pour qu’il morfle de concert avec ce père dévasté. Et j’ai morflé, ah putain oui j’ai morflé, et vous souffrirez aussi surtout si vous savez ce que c’est que de perdre un proche, même s’il ne s’agit pas d’un enfant. Le reste du roman est à l’image de ce passage, l’atmosphère prend toute la place, bien plus que le rythme d’ailleurs.

A bien y réfléchir, le rythme de l’intrigue n’est franchement pas décapant, pas de rebondissent toutes les trois pages, pas de cliffhangers, pas d’effet de style pompeux, juste le cru des mots, la violence de la situation. Aucun ennui durant les presque 600 pages, pas d’envie de sauter quelques pages histoire d’arriver au dénouement plus vite non plus. Beaucoup de dialogues, qui rendent vivant le récit. L’auteur ne néglige ni la partie polar avec la recherche de l’assassin, ni l’aspect sociétal du roman noir, donnant une consonance très littéraire au texte, et le sentiment de quelque chose de très abouti. Si vous êtes un chouia déprimé en ce moment, je pense que cette lecture n’arrangera pas forcément votre état. C’est la vérité que vous vous prenez en pleine poire, la vérité sur la société, la famille, les traumatismes du passé, la condition humaine. Je ressors assez marquée de cet ouvrage, d’autant plus que je l’ai enchaîné après Mauvaise étoile de R.J. Ellory, et mes deux lectures me confortent dans la pensée qu’il y a des personnes qui sont nées pour souffrir, et d’autres qui vont passer à travers les gouttes toute leur vie. On croit pouvoir modifier son destin grâce à ses choix, ses actes, on pense être sauvé d’une mauvaise passe lorsqu’on arrive enfin à se sortir la tête de l’eau et que les éléments semblent se calmer autour de nous… Et puis la vie décide de vous en mettre plein la gueule, encore et toujours, et vous ne pourrez que subir dans la douleur, et une sorte de résignation.

Le mot de la fin

Un roman noir, teinté de polar. Un roman qui marque, qui abîme, qui transperce.

Si mes prochaines lectures de Dennis Lehane sont aussi bonnes que celle-ci, il sera sans doute ma plus belle découverte littéraire depuis un certain Ragnar Jonasson il y a quatre ans.

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