Polar/thriller français

HS 7244 – Lorraine Letournel Laloue

 

C’est l’histoire d’une lectrice passionnée par le polar qui décide un jour de prendre le taureau par les cornes et d’écrire son premier roman.

Lorraine Letournel Laloue ne vous est sans doute pas inconnue si vous fréquentez le Facebook littéraire, puisqu’elle est à la tête d’un des plus gros groupes francophones de lecture « Le club des mordus de lecture ». On se croisait régulièrement sur les groupes de lecture, sans vraiment se parler, et j’ai eu envie de voir ce que ça donnait, une chroniqueuse qui passait de l’autre côté de la barrière.

Je vous parle aujourd’hui de HS 7244, de Lorraine Letournel Laloue, paru récemment chez Belfond. (je précise comme ça en passant, que mon article est garanti sans spoiler !)

L’histoire (4ème de couverture)

Lorsque Marius se réveille dans cette cellule froide et puante, ses derniers souvenirs sont ceux d’une soirée arrosée et joyeuse avec Camille, l’amour de sa vie. Après Saint-Pétersbourg et Moscou, leur voyage à travers la Russie les avait conduits dans un petit bar de Grozny. Des vacances en amoureux, cela avait commencé comme ça… 
Aujourd’hui, Marius est enfermé, il a tout perdu, à commencer par ses droits. Il entend des hurlements, des hommes sont torturés. On les accuse d’être malades, contagieux. Dans cette prison non officielle, ils font l’objet d’expériences médicales, menées par ceux qui veulent trouver l’origine de leur mal et surtout un remède à ce fléau. 
Avec l’histoire de Marius, inspirée d’un drame qui a choqué le monde entier, Lorraine Letournel Laloue embarque le lecteur pour un aller simple en enfer.

Outch !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteure n’a pas choisi  la facilité pour un premier roman ! Lorraine Letournel Laloue nous embarque en effet dans un huis-clos. L’exercice est assez casse-gueule, non seulement parce que ce thème est fréquemment abordé dans la littérature noire et qu’il faut savoir le renouveler, mais en plus parce qu’il faut réussir à tenir le lecteur éveillé pendant près de 300 pages sans le perdre, dans un espace restreint, avec un nombre de personnages peu important, et qu’il est nécessaire de ruser pour créer un climat angoissant et étouffant… Exercice réussi !

La majorité de l’intrigue se passe en effet dans ce qui s’apparente à un camp de rétention. L’enfermement du personnage principal nous rendrait presque claustrophobe, pas d’indicateur de temps, on ne sait pas depuis quand il est là ni combien de temps il y reste, on navigue en aveugle dans le noir sans jamais voir le jour. Pourquoi Marius est-il là et enfermé seul ? Qu’est-il arrivé à Camille avec qui il voyageait en Russie ? Les spéculations sont nombreuses, l’auteure joue sur les errances émotionnelles du personnage principal pour maintenir son suspense. Il en devient pénible parfois, notre Marius, à se lamenter autant sur « l’amour de sa vie » qui a disparu, on aurait envie de le secouer pour qu’il essaie de se sortir de là, mais il est, dans un premier temps du moins, dans une phase d’abattement considérable, obligé de subir toute sorte de sévices, sous le prétexte de recherches médicales menées par un savant fou.

Pour ponctuer ces longs passages de solitude, quelques scènes qui tabassent, bien comme il faut. Je vais repartir dans mon éternel laïus au sujet des thrillers violents car cela semble poser problème à certains qui trouvent que l’auteure va trop loin dans la surenchère de la violence, (si vous êtes trop sensibles, allez donc lire du feel-good va ! ). Je suis une lectrice barbare qui aime les bouquins difficiles et violents, c’est un fait (coucou Frédéric Mars, Mattias Koping, Ghislain Gilberti). MAIS ! J’aime cette violence quand elle est justifiée, qu’elle apporte quelque chose dans une intrigue qui s’y prête, et qu’elle n’est pas là uniquement pour faire dans le gore ou le voyeurisme dégueulasse. Ici, au vu de ce que vit Marius, et au vu surtout des raisons de son enfermement, cette violence est justifiée. On n’est pas au pays des pâquerettes et des p’tits oisillons sauvages qui piaillent dans une jolie campagne ensoleillée, on est en Russie là les gars, ce pays où les droits de l’Homme sont continuellement bafoués, ce pays où on tue les dissidents et ceux qu’ils considèrent comme déviants, ce pays coincé dans une mentalité d’un autre temps. Comment voulez-vous faire du thriller soft dans ce contexte ?! Alors oui, vous lirez des passages difficiles, oui, vous serez confrontés au plus abjecte de ce qu’est capable l’être humain, mais pourquoi mettre de l’édulcorant sur des situations qui existent vraiment, dans la vie ? Pourquoi vouloir se masquer la face ? Clairement, si vous êtes trop sensibles, vous risquez d’être vraiment bousculés par certains passages, mais ils sont malgré tout nécessaires et servent l’intrigue.

L’écriture est un peu académique par moment mais je suis tolérante car n’oublions pas qu’il s’agit d’un premier roman publié et qu’il faut laisser le temps à un auteur de trouver sa marque, son style, tout en l’affinant au fur et à mesure du temps. Je ne dis pas que je n’ai pas aimé, mais j’ai ressenti parfois un petit côté bridé. C’est normal, on n’ose pas forcément y aller franchement quand on début, mais ça se travaille, et je suis persuadée que si l’auteure décide d’écrire un second ouvrage, son écriture aura déjà évoluée. Lâche-toi Lorraine, et tu vas nous faire des merveilles. Il se dégage néanmoins une grande sensibilité dans cette écriture très féminine, et tout un panel d’émotions qui vous égratigneront l’âme au passage. Impossible de rester impassible face à cette souffrance physique et morale, et je ne parle même pas que des sévices, je parle aussi de la souffrance morale qui abat un homme qui a tout perdu, et surtout l’amour de sa vie. Et puis par moment, quelques rayons de soleil sur cette histoire bien sombre : une amitié, un geste tendre et amical, et on reprend un peu foi en l’humain.

Le mot de la fin

Un bon moment de lecture, et surtout une bonne entrée en matière pour une jeune auteure qui fait ses premiers pas dans le monde du thriller. Il est toujours très compliqué d’écrire un premier roman, de se faire connaître dans un milieu si difficile et concurrentiel, alors laissez une chance aux jeunes auteur(e)s qui ont, aussi, de sombres heures de lecture à vous offrir.

 

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