Je vous ai parlé cette semaine d’un bouquin inclassable, très rock, qui m’avait agréablement surprise, L’appétit de la destruction. J’ai pris pour habitude depuis quelques semaines de vous présenter de manière un peu plus personnelle les auteurs francophones que je lis, dans des interviews, et c’est aujourd’hui au tour d’Yvan Robin de passer sur le gril ! Il ses livre de manière très personnelle ici, vous parle de son rapport à l’écriture, à la musique, et de ses projets à venir.
Vous êtes prêts ?
Lumière sur Yvan Robin !
Bonjour Yvan, peux-tu te présenter aux lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore stp ?
Bonjour Anaïs, et merci de me proposer cet entretien. Je m’appelle Yvan Robin, j’ai 35 ans, je vis à Bordeaux et je fais dans le roman noir. Mon premier roman « La disgrâce des noyés », une sorte d’amalgame de poèmes sur la mort, est sorti en 2011 aux éditions Baleine ; puis en 2015, les éditions Lajouanie ont publié « Travailler tue », une farce noire et métaphysique dans le monde du travail. Mon troisième roman vient juste de paraître.
Peux-tu nous parler un peu de ton livre L’appétit de la destruction, paru aux Editions Lajouanie ?
Il s’agit d’un roman noir sans flic, ni meurtre, ni enquête. C’est la biographie romancée d’un groupe de rock imaginaire, « Âme less », créé pour l’occasion. Le récit des dernières heures du groupe par son leader, Adrien Leveneur (auteur compositeur charismatique qu’on aime et qu’on déteste à la fois), est entremêlé avec l’histoire du groupe, racontée par un proche. Je voulais explorer les relations entre création et destruction, décortiquer ces deux processus antagonistes, à travers un texte nerveux et ludique. C’était aussi l’occasion de remonter un groupe de rock, ce que j’ai fait par le passé, d’écrire des textes de chanson, en cherchant une forme d’universalité.
Dans L’appétit de la destruction, tu immerges tes lecteurs dans la vie d’un groupe de rock, qu’ils vont suivre dans leur vie quotidienne très agitée, faite de drogues, alcools, sexe et concerts. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’explorer ce milieu ?
C’est un milieu que je connais pour avoir joué dans des groupes au sortir de l’adolescence, tourné, fait des premières parties d’artistes qui vivaient en autarcie sur la route depuis parfois 10, 20 ans. J’ai accumulé patiemment une foule de petites anecdotes, d’observations, qui me semblaient révélatrices. J’ai côtoyé des artistes assistés de toutes parts, accoutumés tellement aux émotions fortes, qu’ils cherchaient par tous les moyens à « ressentir » des choses, en se mettant en danger, en expérimentant la douleur, ou en volant dans les magasins… Il m’a semblé que cela ne s’appliquait pas seulement aux stars du rock, mais à nombre de personnalités médiatiques ou politiques, à des chefs d’entreprise… Il m’a semblé qu’il y avait là un matériau intéressant.
On peut dire que dans certains passages, tu ne caches pas grand-chose à tes lecteurs… Volonté de coller à la réalité ? De choquer ?
La vie ne cache rien, pourquoi la littérature devrait cacher des choses ? J’avais besoin de cette forme de vérité, qui participait pleinement du projet, pour que le roman fonctionne. Je voulais qu’on sorte un peu abasourdi de cette lecture, qu’on ressente l’accumulation, un début de lassitude et de dégoût, et qu’on subisse un choc en apprenant comment la tournée de ce groupe de rock s’était soudainement arrêtée, un soir après le concert. La littérature permet (encore) d’exprimer des visions crues, dérangeantes, dans la mesure où elle offre au lecteur la possibilité de la construire à sa façon, ce qui est plus compliqué au cinéma qui impose une image. Je ne cherche pas à en faire un fond de commerce pour autant. A chaque projet je cherche la forme, le langage (pour ne pas la dire la grammaire), la plus appropriée.
La musique est présente tout au long de ton livre, ce qui m’amène à une question un peu plus personnelle : quel rapport entretiens-tu avec la musique ?
Je vais faire une réponse très personnelle alors… Depuis l’enfance j’ai de sérieux problèmes auditifs, que la pratique assidue de la musique amplifiée n’a pas arrangés. Je vis depuis une dizaine d’années avec des acouphènes permanents très handicapants, et une hypersensibilité au bruit qui m’empêche de m’exposer à des ambiances sonores trop élevées. C’est d’ailleurs cette incapacité qui m’a porté progressivement vers l’écriture. J’écoute toujours de la musique, mais plus avec le même appétit, la même curiosité, je suis trop critique, rarement emporté par ce que j’entends. Je crois que je deviens un vieux con. Pour ce qui est de la pratique des instruments, il m’arrive encore de plaquer quelques accords, d’imaginer remonter un groupe de punk avec des potes… Mais je crois que la littérature est devenue ma musique.
As-tu d’autres projets d’écriture pour les mois à venir ?
Pour les mois, les années, pour une vie entière… Je travaille sur un gros manuscrit, une épopée poétique dans un monde vicié, où je m’autorise, malgré la noirceur, l’utilisation (parcimonieuse) de « bons sentiments ». En parallèle, j’écris une sorte d’autofiction sur les acouphènes, et un roman choral très noir, court et féministe.
Je te laisse carte blanche pour terminer cette interview !
Que faire d’une carte blanche
Ça ne s’improvise pas
Souffler sur une hanche
Mettre les cordes au pas
Je te remercie infiniment d’avoir pris du temps pour répondre à mes questions !
Mille mercis Anaïs.