Coup de coeur, Editions Taurnada, Livre qui décoiffe ta tête de lecteur

Mon ombre assassine – Estelle Tharreau

Ça faisait des mois que je n’avais pas lu un livre d’une seule traite ! Alors certes, ce livre est court, moins de 300 pages, mais ça vous donne direct une idée du contenu de mon article qui va suivre !

Je vous ai déjà parlé d’Estelle Tharreau à trois reprises, dans mes chroniques d’Orages, L’impasse, et De la terre dans la bouche. Si j’avais déjà apprécié ces trois livres-là, ce n’est rien comparé à ce que j’ai ressenti à la lecture de celui-ci qui vient tout juste d’être publié. Je suis terriblement embêtée, parce que je me targue d’être une lectrice difficile qui n’a pas des coups de cœur tous les trois bouquins, et pourtant cette fois c’est encore un coup de cœur, et un gros, et ça fait beaucoup (quatre !) depuis le début d’année, ah ah ! On va dire que je choisis mes lectures en fonction de mes goûts et que du coup, forcément, j’ai peu de déceptions !

Je dégaine les catégories « Alerte coup de coeur » et « Livre qui décoiffe ta tête de lecteur sans te faire bouger de ton canapé« , et je vous parle aujourd’hui de Mon ombre assassine, d’Estelle Tharreau, paru aux Editions Taurnada.

L’histoire (4è de couverture)

En attendant son jugement, du fond de sa cellule, Nadège Solignac, une institutrice aimée et estimée, livre sa confession.
Celle d’une enfant ignorée, seule avec ses peurs.
Celle d’une femme manipulatrice et cynique.
Celle d’une tueuse en série froide et méthodique.
Un être polymorphe.
Un visage que vous croisez chaque jour sans le voir.
Une ombre. Une ombre assassine.

MAGISTRAAAAAAL !!!

Je m’attendais à tout sauf à ça… Estelle Tharreau, c’est cette auteure qui situe ses intrigues dans de p’tits patelins perdus dans la campagne, qui se voient secoués par un ou plusieurs meurtres, qui voient évoluer une enquête dans un milieu de quasi huis-clos. Je pensais retrouver à nouveau cet environnement, et voilà que l’auteure a décidé de tout bousculer pour nous offrir quelque chose qui s’apparente plus à un thriller psychologique.

Cette fois, tout repose sur une femme, une seule. Elle est le point central de l’intrigue, autour duquel tout s’articule. Nous croiserons bien la route de nombreux personnages secondaires, mais une seule crèvera les pages, et elle s’appelle Nadège. Jeune institutrice aimée de tous, la voilà accusée du meurtre de celui qui a tenté de la violer. Alors qu’elle hurle à la légitime défense, l’auteure nous permet d’aborder d’un autre point de vue ce qu’elle est en tant que personne, en nous plongeant dans sa vie, de sa jeune enfance, terrible, cataclysmique, avec des parents qui n’auraient jamais dû le devenir, jusqu’à sa vie d’adulte, solitaire et dangereuse.

Manipulatrice, calculatrice, froide, incapable de ressentir une émotion, c’est un personnage très sombre qu’Estelle Tharreau a fait naître. Elle est d’ailleurs, pour moi, l’un des personnages les plus démoniaques que j’ai pu rencontrer depuis que j’ai commencé le polar il y a bien 8 ans de ça. L’auteure pousse loin son analyse du personnage, elle nous la détaille moralement sous toutes les coutures, elle n’épargne aucune scène aux lecteurs, certaines scènes sont à la limite du supportable, et il semble n’y avoir aucune limite dans la monstruosité de cette femme.

Et pourtant, il faut creuser et pour tenter de voir plus loin dans l’adulte qu’elle est devenue, il faut essayer de comprendre pourquoi elle en est arrivée là. Est-ce qu’on naît mauvais ? Ou bien est-ce qu’on le devient ? Parce que je peux vous dire qu’elle a morflé, cette gosse… Et qu’une souffrance aussi immense sur un esprit déjà fragile, ça peut causer de sérieux dégâts. Elle a dû se construire seule, dans un cercle familial étouffant à l’air vicié. Les actes de maltraitance ont jalonné son enfance, l’amour et l’attachement maternel étaient inexistants. J’allais écrire qu’elle n’était pas partie sur de bonnes bases dans la vie, je dirais plutôt qu’il n’y a eu aucune base. Elle est marquée au fer rouge, et tout a contribué à faire naître le monstre qui sommeillait en elle. Elle est venue au monde sans le demander, mais elle décidera de mener sa vie comme elle l’entend, passant de l’état de victime à celui de bourreau, se vengeant de tous ceux qui l’ont un jour malmenée. On pourrait parler d’histoire de vengeance, mais c’est un peu plus que ça je pense, car elle ne s’en prend pas seulement à ceux qui lui ont fait du mal. Elle s’en prend à tous ceux qu’elle déteste. D’ailleurs, elle déteste tout le monde : jeunes, vieux, enfants, son frère, sa belle-sœur, sa nièce, ses collègues, peu importe… Elle n’est attachée à personne, elle ne veut de personne dans sa vie. On est en présence d’une vraie cinglée, d’une vrai serial-killeuse sans aucun état d’âme. On en rencontre peu dans la littérature noire, des femmes serial-killeuses, et c’est aussi ce qui fait la singularité de ce roman.

Ce qu’il y a d’intéressant également dans Mon ombre assassine, c’est que l’auteure alterne différents types de narrations, en nous proposant des retranscriptions d’interrogatoires de témoins entendus dans le cadre de cette affaire, des coupures de presse, mais aussi des passages sous forme de journal intime où c’est Nadège qui prend la parole, utilisant le « je » et s’adressant à nous directement, comme si le lecteur était son confident direct. Elle nous heurte, nous interpelle, elle nous positionne en qualité de témoin, elle nous prend à parti aussi, et soulève en nous des questions. Impossible de rester passible face à elle, et face au monstre qu’elle est devenue. Je l’ai tantôt maudite, tantôt eu en pitié. Moi qui aime les grands méchants dans mes lectures, j’en ai eu pour mon compte ! L’écriture d’Estelle Tharreau est grandiose, et fait passer tant d’émotions et tant de sentiments différents que ça en fait un ouvrage puissant.

Le mot de la fin

La souffrance est maîtresse de tout, elle est capable de transformer n’importe quel individu en monstre. Je ne dédouane pas Nadège de ses actes non, car ils sont trop graves pour être pardonnés, mais qui peut dire dans quel état il se retrouverait, s’il avait vécu la même enfance qu’elle ? Qui peut dire qu’après avoir souffert comme une bête, il demeurerait sain d’esprit ?

Ce livre est pour moi un coup de massue, et je pense que je vais mettre un certain temps avant de m’en défaire. Bravo Estelle Tharreau, il en faut pour me mettre dans cet état ! Mon ombre assassine est pour moi de loin le meilleur livre de l’auteure qui a pris de vrais risques en nous proposant quelque chose de très différent de ce qu’elle écrit habituellement.

Non seulement je recommande, mais en plus je vous conseille de le mettre sur la liste de vos achats d’urgences ultimes (je ne veux rien entendre concernant votre banquier qui me déteste svp !! 🙂 )

6 réflexions au sujet de “Mon ombre assassine – Estelle Tharreau”

  1. Pour suivre régulièrement l’actualité de ce blog, j’en connais l’absence de compromis et de langue de bois. Je ne cacherai donc pas ma joie en décrivant cette chronique. Merci, Anaïs, de me suivre depuis le début de l’aventure et de m’offrir une telle critique. A bientôt. Estelle

    Aimé par 1 personne

    1. Ma chère Estelle, je suis très flattée par votre message. Je vous suis effectivement depuis le début, j’ai pu apprécier chacun de vos livres, mais celui-là est un gros cran au-dessus ! Le mot « magistral » n’est pas trop fort, et tous les avis des autres lecteurs que j’ai pu voir passer vont dans ce sens.

      Bravo, j’ai hâte de continuer à vous découvrir !

      Amicalement.

      Anaïs

      J’aime

    1. Ah ah ah, le café, c’est l’essence du lecteur 😀 Je crois que ça ne m’est jamais arrivée de tomber en panne de café à la maison 😀 l’angoisse !!! 🙂

      Pour en revenir au livre, j’espère qu’il te plaira autant qu’à moi 🙂

      Belle journée, et à bientôt.

      Bises 🙂

      Aimé par 1 personne

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