Coup de coeur, Editions Ring, Français, Polar/thriller français

Sinestra – Armelle Carbonel

J’ai tellement « vécu » mon livre que je n’ai rien à dire dessus. Les émotions ressenties pendant ma lecture ont pris toute la place, annihilant complètement mon esprit d’analyse et je suis bien incapable à l’heure où je commence à rédiger cette chronique, de vous dire pourquoi j’ai aimé ce livre. J’ai tellement été prise dans cette histoire que c’est compliqué pour moi de vous donner quelque chose de concret. Je me paierais bien le luxe un peu pompeux de vous dire « Faites-moi confiance depuis le temps que vous me suivez, et achetez-le les yeux fermés« , j’ai pas encore le cran de publier un article comme ça…

J’ai passé un long moment à tenter de trouver les mots justes, et je vous parle aujourd’hui de Sinestra, d’Armelle Carbonel, publié aujourd’hui aux Editions Ring.

L’histoire (4è de couverture)

Suisse. 1942.
Le Val Sinestra, refuge isolé au cœur de la vallée des Grisons entouré de monumentales montagnes, accueille un convoi de réfugiés fuyant les horreurs de la guerre. Des mères brisées au bras de leur progéniture, des orphelins meurtris et atteints de désordres psychiques. Mais là où ils croyaient avoir trouvé la paix, les résidents vont réaliser que le mal a franchi la frontière avec eux.

Surnommée la  » nécromancière « , Armelle Carbonel est avec son style viscéral et son extrême maîtrise du suspense en huis clos, l’une des voix les plus captivantes du thriller contemporain. Récompensée à onze reprises, experte en manipulation et rebondissements, la nouvelle référence française du thriller psychologique entraîne le lecteur au cœur d’une véritable symphonie paranoïaque, dont l’intensité suscite une angoisse quasi inédite dans le monde du thriller.

Incroyable Sinestra !

Troisième livre de l’auteure, troisième huis-clos. C’est qu’elle maîtrise parfaitement cet exercice, notre nécromancière ! Sans aucune redondance par rapport à ses deux précédents opus, Armelle Carbonel plante son décor dans un hôtel paumé en Suisse, le Val Sinestra, pendant la Seconde Guerre Mondiale. La majeure partie de l’intrigue va se dérouler entre les murs de cet inquiétant hôtel, personnifié et prenant vie sous sa plume et devenant un personnage à part entière de l’histoire, un personnage immatériel qui vit, ressent, qui nous parle même à travers des chapitres dans lesquels il devient lui-même narrateur. Et ce qu’il nous dit est inquiétant, ce n’est pas le Val Sinestra mais le Mal Sinestra que nous côtoyons. Il est au centre de tout, et il plane sur les personnages avec une sorte d’aura maléfique, il ajoute de la noirceur à des situations déjà chaotiques. La guerre a fait des ravages, elle a traumatisé des enfants, fait éclater des familles, a rendu vulnérable ses victimes qui pensaient trouver un refuge dans cet établissement. Tu parles d’un refuge, c’est l’enfer qui les attend ! Certains passages sont difficiles et abordés de manière crue et sans fards, parfois ils sont plus explicites, parfois plus voilés, dans un parfait équilibre. Les non-dits ne sont pas là pour protéger la sensibilité du lecteur, au contraire on grimpe d’un cran dans l’horreur parce que c’est notre imagination qui fait le reste. L’auteure a réussi à créer une atmosphère inquiétante, absolument malsaine et sinistre, ça transpire de macabre, ça suinte de mélancolie.

Plus que l’intrigue, la force de Sinestra réside dans la plume absolument magnifique de l’auteure. On est ici dans la vraie littérature, dans les Belles Lettres, on n’est pas seulement dans un thriller non, c’est bien plus que ça. On est dans une littérature qui touche, qui glace et qui émeut, dans celle qui te fait ressentir des émotions au plus profond de toi (et qui font que t’arrives pas à pondre ta chronique après...). Impossible de rester insensible au charme son écriture; d’une finesse sans égal, elle contrebalance complètement l’atmosphère sombre et lugubre de son intrigue par une écriture poétique. Elle apporte un soin particulier aux mots choisis, des mots qui dansent sous sa plume mélodique, les figures de style apportent une profonde qualité narrative. Elle joue avec nos sens grâce à un large champs lexical autour des 5 sens, ajoutant du corps à son intrigue. C’était déjà le cas dans son précédent livre, c’est encore plus marquant aujourd’hui, on ressent cette putain de sensibilité qui fait trop défaut à la littérature noire, devenue trop stéréotypée et basique, et où seul le rythme d’intrigue prévaut.

Le mot de la fin

Armelle Carbonel a un univers qui correspond tout à fait à ce qui fait vibrer mon cœur de lectrice. Elle prouve une nouvelle fois qu’elle excelle dans l’art de la manipulation, et dans l’art de créer une atmosphère incroyable qui prend toute la place dans ses romans. Vous ne lisez pas un livre d’Armelle Carbonel, vous le vivez, vous le ressentez, vous évoluez à travers les ombres inquiétantes qu’elle se plaît à faire naître.

Armelle, ma chère Armelle… Je te suis depuis le tout début de ta carrière littéraire, j’ai aimé chacun de tes univers mais alors là, tu es au sommet de ton art. Je me rappelle t’avoir beaucoup touchée lors de ma précédente chronique sur l’OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) Majestic Murder il y a 2 ans. Je me souviens aussi de notre rencontre en novembre dernier, de ta bienveillance et de ta sensibilité. Tout ce que tu es, tout ce que tu dégages, tu as réussi à le faire transparaître dans Sinestra.

Coup de cœur absolument magistral !

7 réflexions au sujet de “Sinestra – Armelle Carbonel”