Il y a ces bouquins que j’attends avec fébrilité, excitation et avec une pointe d’angoisse, parce que je me demande comment un auteur peut écrire quelque chose de meilleur, ou tout simplement d’aussi bon, que ce qu’il a publié en première parution.
Il y a ce moment de stress, où je reçois un livre de 540 pages, à la police d’écriture relativement petite et qui me fait dire que si je n’accroche pas à cette histoire, ça va être long, très long…
Il y a ces auteurs qui passent devant tous les autres, devant tous ceux que j’ai en retard et qui m’attendent sagement dans ma montagne à lire depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Il y a ces heures de lecture pendant lesquelles je n’arrive pas à décrocher, le jour, la nuit…
Il y a ce bouquin surpuissant, qui va tout écraser sur son passage.
Il y a Le manufacturier de Mattias Köping.
L’histoire (4è de couverture)
Le 19 novembre 1991, une poignée de paramilitaires serbes massacrent une famille à Erdut, un village de Croatie. Laissé pour mort, un garçonnet échappe aux griffes des tortionnaires, les Lions de Serbie. Un quart-de-siècle plus tard, l’avocate Irena Ilić tente de remonter la piste jusqu’à la tête du commando, le sinistre Dragoljub.
Le 1er avril 2017, les cadavres d’une femme et de son bébé sont retrouvés dans la banlieue du Havre, atrocement mutilés. Niché dans le dark Web, un inconnu sous pseudonyme revendique le double meurtre et propose les vidéos de ses crimes à la vente sur son site Internet… Depuis quand sévit-il ? Prêt à transgresser la loi, le capitaine de police Vladimir Radiche s’empare de l’affaire qui sème la panique sur le pays, au risque de voir l’inimaginable s’en échapper.
Les deux investigations vont se percuter avec une violence inouïe. L’avocate et le flic ont des intérêts divergents et sont prêts à se livrer une guerre sans merci. Emportés dans l’abîme du terrifiant conflit yougoslave, les enquêteurs évoluent dans un vertige noir, gangrené par la violence et la corruption, où les plus pourris ne sont peut-être pas ceux que l’on croit. Crimes contre l’humanité, meurtres en série, fanatismes religieux, trafics entre mafias sans scrupules, l’étau se resserre au fil des chapitres. Les égouts de l’Histoire finiront par déborder, et vomir des monstres trop vite oubliés.
N’ayez pas peur.
Oui, il y a tout cela dans Le Manufacturier. Non, il n’y a pas d’autre issue.
Sous le choc…
On sait qu’avec les thrillers des Editions Ring, il y a peu de chance d’être déçu, surtout si on aime les bouquins qui sortent du cadre, du gentil schéma classique qui constitue 90% des publications de polar et de thriller, ceux qu’on retrouve chez tout le monde, et dont on aura tout oublié d’ici deux semaines.
Si vous aimez les thrillers qui franchissent la ligne rouge, ceux qui vous aspirent l’âme et les tripes en vous donnant l’impression que vous allez en ressortir broyés et vidés de toute substance, si vous voulez de la littérature noire qui vous emmène dans les profondeurs les plus abjectes de l’âme humaine, c’est ce livre qu’il vous faudra lire. Oubliez tous les autres, concentrez-vous sur celui-ci, arrangez-vous ensuite pour vous en remettre et bon courage pour trouver autre chose à lire derrière ça.
Ce livre, il te ferait passer le premier opus de l’auteur, Les Démoniaques, pour une gentille balade bucolique du dimanche après-midi. Je n’aurais pas pensé écrire ça un jour à son sujet car je me souviens parfaitement de son intrigue deux ans après l’avoir lu, et niveau noirceur, il y avait déjà matière à vous décaper sévère les émotions. Plus sombre que le précédent donc, mais également plus complexe : multiples lieux, multiples personnages, multiples enquêtes, Le Manufacturier est très riche, dense, l’action constante, rien n’est linéaire, rien n’est figé, chaque passage a son importance, lisez attentivement votre livre parce que parfois en l’espace d’une phrase de 5 mots, tout bascule : le rebondissement, THE rebondissement absolument inenvisageable vous saisi, vous laisse dans un état de sidération total. Tout est alors remis en cause, vous vous demanderez alors ce que vous avez loupé – « je dois être fatiguée » – , vous reviendrez quelques pages en arrière, vous feuilletterez quelques chapitres précédents – « j’ai loupé un truc c’est sûr » -, mais rien ne pouvait indiquer ce qui allait se passer, le choc est d’autant plus rude à encaisser – « mais c’est pas possiiiiiiiiiiible ! » hurlerez-vous en secouant votre bouquin de rage comme moi je l’ai fait.
Le mécanisme d’écriture est bien rôdé, pas trop de sensationnel pour rester crédible, mais assez pour donner un vrai coup de fouet supplémentaire au récit, comme s’il en avait besoin… Ce sont ces rebondissements judicieusement disséminés qui ont fait basculer ce bouquin de « coup de cœur » à « coup de foudre ultime« .
Le manufacturier, c’est de la drogue, de la prostitution, des règlements de comptes, c’est du cul et de la violence à chaque page. Je me suis sentie horrifiée à la lecture de certaines scènes, le ton est cru et sans filtre, tout à fait en adéquation avec ce que l’auteur nous raconte. Pourquoi prendre des précautions dans le choix de ses mots quand les événements sont dégueulasses ? L’auteur s’est largement documenté au sujet des heures les plus sombres de l’Histoire de l’Europe de l’Est pour développer son intrigue, il est allé raclé la crasse dans les milieux les plus extrêmes qui existent vraiment dans notre réalité, chez nous, en France, dans nos cités et quartiers difficiles… Ce n’est pas ici de la violence gratuite juste pour faire du buzz, du sordide, du marketing ou du voyeurisme non, on est dans le vrai, et c’est ce qui rend le livre encore plus explosif. Il y va Mattias Köping dans le sordide, quitte à t’en coller la nausée. Pour que moi je sois mal à l’aise dans une lecture, il en faut ! J’ai eu presque honte de prendre autant mon pied dans cette lecture, et j’ai tendance à me demander qu’est-ce qui fait que j’aime autant les thrillers extrêmes ? J’en sais rien à vrai dire, je ne cherche pas à savoir. J’ai aimé, j’ai eu un coup de foudre énorme pour ce livre, et c’est tout ce qui compte.
Le mot de la fin
Mattias Köping, tu es un grand auteur.
Je n’arrive même pas à qualifier de manière objective et raisonnable ce bouquin, j’ai juste une panoplie de superlatifs qui me vient en tête. Ce livre est atroce, ultra noir, il est puissant et tellement intelligent, il est tout ce que j’attends d’un thriller, tout ce que je recherche mais que je ne trouve que trop rarement, car peu d’auteurs et de maisons d’édition ont le cran de publier ce genre de bouquin.
Si Les Démoniaques était excellent, Le Manufacturier est un chef d’œuvre.
Le Manufacturier vient d’être publié aujourd’hui aux Editions Ring
Merci au photographe Manu Seywert pour son travail de retouches sur ma photo.
Un chef d’oeuvre du genre !
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