J’ai décidé de sortir un tout petit peu de mes habitudes de lectures de thrillers et polars pour découvrir ce roman noir, déjà parce que la quatrième de couverture m’a vraiment interpellée, et ensuite parce qu’il y avait quand même un semblant de thriller dans ce court livre de moins de 200 pages. Je ne savais pas forcément à quoi m’attendre ni si j’allais accrocher, et force est de constater que c’est un livre qui m’a sacrément ébranlée. J’annonce la couleur, si vous avez besoin d’une lecture joyeuse et positive, passez votre chemin !
Je vous parle aujourd’hui du second livre d’Eric Lange, Il ne nous reste que la violence, paru il y a quelques mois aux Editions La Martinière.
L’histoire (4è de couv’)
La violence est en nous. On la subit ou on l’ignore. Mais on peut aussi danser avec elle. Alors on reste debout.
Après mon premier crime, j’avais commencé à voir notre société différemment. Où que je regarde, le miroir se déformait. Des esclaves fabriquaient nos ordinateurs, des enfants cousaient nos vêtements, les profits des guerres assuraient la rentabilité de notre livret A. Nos bagues de fiançailles brillaient de diamants sanglants, mon voisin perdait son travail, sa vie, pour un actionnaire anonyme. Un vieillard était mort, seul dans une chambre, juste au-dessus de chez moi…
On s’offusquait un peu, mais pas tant que ça, parfois pas du tout. On vaquait à nos petites affaires, nos vies allant tranquillement sur ces champs de cadavres.
Et on ne la cachait pas, cette violence. Elle était notre environnement naturel. On l’enseignait à nos enfants. Dont acte.
Je pouvais tuer une deuxième fois.
Une sombre histoire
Pour reprendre une de mes formules fétiches pour avertir les lecteurs qui me suivent, je dirais simplement que si vous aimez les belles histoires positives et remplies de bons sentiments, les p’tites pâquerettes et les p’tits chatons mignons, que vous êtes un tant soit peu soupe au lait, ce livre n’est pas fait pour vous. Par contre, si vous n’avez pas peur de lire un livre sombre, glauque, parfois malsain, et que vous n’avez pas peur d’avoir une prise de conscience au sujet du monde dans lequel nous vivons, d’une manière brute de décoffrage, ce livre est fait pour vous ! Plus qu’un roman noir, Il ne reste que la violence est une sorte de critique de la société actuelle et des médias. On y rencontre un homme on ne peut plus banal, animateur radio, il vit dans une sorte de collocation avec une autre animatrice radio qu’il considère comme une bonne copine même s’ils s’envoient en l’air ensemble de temps en temps, il anime une émission qui donne la parole aux vrais gens, ceux qui souffrent des fermetures d’usines ou qui ont besoin de raconter un petit bout de leur vie quotidienne. Et puis la menace du capitalisme dévastateur arrive, elle plane au-dessus de son émission, pas assez rentable, et c’est alors que l’engrenage va se mettre en place, sournoisement. Nous assistons à un changement brutal dans le comportement et la manière de raisonner de notre personnage central et c’est une escalade de la violence qui va se poursuivre durant tout le livre. Il restera conscient de ce qui lui arrive, analysera de manière objective cette violence qui s’empare de lui, étudiera les situations à risques et s’assurera de prendre les bonnes décisions pour sa sauvegarde et celle de son emploi. Il se rendra compte que ce qu’il fait est mal, dans un premier temps, mais quelque chose s’est comme emparé de lui pour le gangrener de l’intérieur et le pousser à aller toujours plus loin.
C’est un peu son instinct de survie qui prendra le pas tout doucement sur sa capacité à raisonner clairement, et en même temps c’est une certaine jouissance qu’il commencera à éprouver au fur et à mesure qu’il multipliera les meurtres. Sous la plume de l’auteur, la violence est banalisée, on la comprendrait presque, on dédouanerait presque par moment cet homme qui essaie de sauver sa peau et son travail. Et puis on se pose, on réfléchit, on se raisonne, et on se dit que non, vraiment, ce n’est définitivement pas la bonne solution… Et arrive la fin, étrange épilogue qui donnerait presque raison à notre anti-héros, comme si le livre avait été bâti dans une sorte de démonstration pour nous faire arriver à cette troublante conclusion…
A moins d’avoir loupé quelque chose pendant ma lecture, on ne connaît ni son nom, ni son prénom. Il est une sorte de personnage anonyme, ceci peut-être dans le but d’espérer atteindre le lecteur pour qu’il s’identifie à lui. Cette histoire, ça pourrait être votre voisin, votre collègue, votre mari, ou bien vous-même peut-être qui sait…
Le mot de la fin
Eric Lange nous propose une vision glaçante mais Ô combien réaliste de cette société individualiste dans laquelle nous vivons. Je ne dirais pas que ce livre est une prise de conscience parce que je me rends bien compte de la société dans laquelle je vis, d’autant plus grâce à mon travail, mais je dirais juste que cette lecture me laisse une étrange impression, comme si je me rendais compte que le climat morose dans lequel nous évoluons depuis quelques temps n’était que les prémices de quelque chose de beaucoup plus violent.
C’est un livre plein de rage, de colère sourde, celle qui est capable d’aveugler un esprit fragile pour l’amener au pire.
J’ai apprécié cette lecture parce que clairement, les lectures positives pleines de bons sentiments ne sont pas pour moi, et que j’aime voir se développer au fil d’une intrigue une sorte de questionnement sur des sujets réels et sérieux. La lecture est facile, parce que le style de l’auteur est simple et sans extravagances.
Un livre à ne pas mettre dans toutes les mains, mais un livre vrai, réaliste, et profondément contemporain.
Bon sang c’est comme se réveiller : si bien que je ne sais plus pourquoi je ne l’ai pas lu alors que j’en avais eu très envie. Je me suis le note pour être sûr de ne pas oublier cette fois !
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Il ne m’attirait pas forcément de prime abord mais il me semblait assez sombre et je me suis dit « allez, essaye de sortir du thriller classique histoire de voir ce qui se passe dans le roman noir ». Pas déçue, franchement! même si c’est un livre qui égratigne les émotions!
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