C’est toujours avec plaisir que je découvre un nouveau livre de Patrick Senécal, je suis une fan de ses livres (avec comme point d’orgue Hell.com qui est un de mes 7 coups de cœur de 2016 et qui m’a un jour fait dire que si j’avais la chance de rencontrer l’auteur dans un salon je me prosternerai devant lui, rien que ça !).
L’autre reflet est paru en novembre 2016 aux Editions Alire.
L’histoire
Il s’appelle Michaël Walec et il rêve de publier un roman noir – un bon, un vrai! Alors depuis trois ans, le soir, après avoir donné ses cours de français aux détenues de l’Établissement Joliette pour femmes, il bûche sur son manuscrit. Et quand il visite les Salons du livre, il se dit que, un jour, lui aussi fera partie de la grande famille des écrivains. Mais depuis quelque temps, alors qu’il s’acharne à réécrire les scènes pivots de l’intrigue, force lui est d’admettre que, malgré son indéniable talent littéraire, il n’arrive pas à insuffler à son manuscrit ce » petit quelque chose » qui en ferait un bon, un vrai, un » excellent » roman noir. Or, ce petit quelque chose, Michaël le découvre un jour dans une nouvelle » très mal écrite » d’une de ses étudiantes, Wanda Moreau, qui y relate l’assassinat pour lequel elle a été condamnée. Une étrange relation s’installe aussitôt entre la meurtrière, avide des conseils littéraires de son professeur, et l’apprenti écrivain, fasciné par cette femme qui a connu la vraie noirceur. Pourtant, quand Michaël réussit à insuffler l’élan qui manquait à son roman grâce à Wanda, il ne lui en dit rien. Car, après tout, elle n’est pour lui qu’une source d’inspiration…
Câline, c’est quoi c’bouquin?
Pour être tout à fait honnête, même quand c’est un auteur que j’adule comme c’est le cas ici, je donne toujours mon ressenti qu’il soit positif ou négatif et il se trouve que j’ai eu du mal à rentrer dans L’autre reflet. Enfin, non… Je n’ai pas eu de mal à rentrer dedans mais l’auteur m’a perdue pendant environ un tiers du livre, parce que je trouvais que ça n’allait pas assez vite à mon goût,et que ça tournait un peu en rond… Et pourtant, sur les conseils de copinautes, j’ai bien fait de continuer car ces passages ont en fait permis de mettre en place le feu d’artifice, que dis-je? l’explosion nucléaire que Patrick Senécal nous a offert par la suite! parce que c’est ça, le style Senécal, une montée en puissance, jusqu’à ce que ni les personnages, ni les lecteurs ne puissent plus rien maîtriser, c’est partir d’une situation à priori banale pour aboutir à une situation cauchemardesque! On assiste atterrés aux événements qui s’enchaînent, on est sidéré par la tournure des choses, et pourtant on en redemande toujours plus !
A chaque livre de cet auteur, je prends tellement mon pied à lire des choses aussi atroces que je me demande à chaque fois si je suis normale ou si je suis une psychopathe en sommeil. J’ai été littéralement en transe dans ma lecture de la dernière partie qui a tout balayé sur son passage et qui m’a fait oublier les longueurs que j’ai pu éprouver pendant un temps. J’ai compris ensuite que tout ce processus était là pour tisser une toile, à la manière d’une araignée, afin d’y emprisonner les personnages (et au passage les lecteurs), avant de les relâcher, broyés par leurs émotions. Objectivement, je ne sais pas comment fait Patrick Senécal pour écrire des intrigues aussi tordues, qui ne ressemblent à aucune autre que j’aurais pu lire dans un des très nombreux thrillers de ma bibliothèque. L’auteur arrive, à chaque fois, à m’embarquer dans une nouvelle histoire, je n’ai jamais aucun doute quand je commence un livre de cet auteur, je sais que je vais vivre des aventures inédites et surtout hors du commun.
Mention spéciale pour l’utilisation régulière des tournures québécoises, ça apporte une certaine touche d’exotisme et j’aime beaucoup ensuite m’amuser à employer les mêmes jurons que les personnages 🙂
Côté personnages…
Je n’ai éprouvé aucune compassion envers eux, ni aucun attachement. Ça ne m’a pas vraiment dérangé, parce que du coup j’avoue que j’ai pu ressentir librement une sorte de jubilation quand il leur est arrivé des choses atroces (quand j’vous dit que je suis une psychopathe!), sans éprouver de peine pour eux ou de colère envers l’auteur de malmener ainsi des personnages que j’apprécie. Je n’ai pas apprécié Michaël que j’ai trouvé lâche, incapable de se remettre en question, peu combatif et avec une tendance accrue à la victimisation en remettant la faute sur son entourage proche ou lointain plutôt que de se remettre en question lui-même. Il subit sa vie et ses échecs, il veut être un bon écrivain seul, sans Wanda, mais il ne veut pas reconnaître que sans elle il n’est qu’un écrivaillon…
Concernant Wanda, je ressens une certaine ambiguité dans mes sentiments… Je l’ai par moment détestée, et parfois elle aurait presque réussi à me toucher. Elle est une meurtrière froide, qui ne ressent rien, elle le dit elle-même. Et pourtant quand elle va rencontrer Michaël en prison, il deviendra une sorte de mentor pour elle, car elle aussi rêverait de devenir auteure, sauf qu’elle n’en a pas le talent! Et puis, au fil du temps, les rôles s’inversent… Elle devient une sorte de muse démoniaque pour lui, et elle éprouve enfin quelque chose au fond d’elle, et ce quelque chose est une profonde reconnaissance et l’impression d’avoir enfin fait quelque chose de bien dans sa vie.
Je finirais par évoquer rapidement l’épouse de Michaël, qui reste un mystère total pour moi tant son comportement passif au sein de son couple me laisse perplexe… Elle accepte tout, je ne sais pas si elle a des œillères, si elle est un peu maso ou qu’elle n’en a juste rien à faire de son couple, mais j’ai trouvé sa relation avec son mari vraiment très étrange…
Une plongée dans le milieu littéraire
L’auteur situe son intrigue dans le milieu littéraire et L’autre reflet me fait un peu penser à une critique sociale de ce petit milieu très fermé. On rencontre un groupe d’écrivains que nous suivons au fil des chapitres, qui se connaît bien et se retrouve régulièrement dans les salons littéraires. L’accent est également mis sur la concurrence qui peut s’installer entre des auteurs, entre ceux qui ont du succès, ceux qui en ont moins, ceux qui n’en ont plus… On vit aux côtés d’un écrivain tourmenté qui est en proie aux difficultés de son métier, aux doutes qui l’envahissent, à sa descente aux enfers lorsqu’il se rend compte que son succès n’est dû qu’à l’intervention de Wanda dans son processus d’écriture. On assiste avec lui, invariablement, aux mêmes salons littéraires où il ne vend que quelques livres alors que ses voisins ont une file de lecteurs qui n’en finit plus.
J’ai apprécié découvrir ce milieu que je ne connais que peu, car moi je suis, en tant que lectrice, de l’autre côté de la barrière.
Le mot de la fin
L’autre reflet est absolument machiavélique, d’une noirceur extrême qui nous amène à nous poser de nombreuses questions sur l’être humain et jusqu’où nous sommes prêts à aller pour la gloire ou l’argent.
Patrick Senécal est définitivement un auteur que j’adore, que je continuerai de découvrir parce qu’il a vraiment quelque chose de différent des autres auteurs…
Pour continuer à le découvrir, je vous invite à lire mes chroniques sur ses autres livres, vous pouvez les retrouver dans le menu « Auteur » en cliquant ici.
Je suis très intriguée =)
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Il faut définitivement que je me penche sur sa bibliographie…
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