Vous le savez, j’adooore les thrillers et polars venus du froid et plus particulièrement d’Islande! Je vous avoue que je n’ai même pas lu la 4è de couverture avant de l’acheter, c’était pour moi une évidence, ayant apprécié son premier opus, Snjor, paru en 2016 en français, ça m’a suffit pour me convaincre d’acheter le deuxième dès sa sortie.
Ça faisait bien longtemps que je ne m’étais pas enfilé un livre en une journée : commencé le samedi à 10h, je l’ai terminé à 18h, ça en dit long sur mon ressenti positif.
Je n’ai pas aimé ce livre non, je l’ai adoré, dévoré !
L’histoire
Nous retrouvons un des personnages que nous avons rencontrés dans Snjor, Ari Thor. Plusieurs années sont passées depuis son installation dans la petite ville du nord de l’Islande, Siglufjörður. Alors qu’il se lamentait tout au long du premier livre des conditions de vie difficiles de cette lointaine bourgade coupée du monde en hiver, nous le retrouvons aujourd’hui en grande forme, toujours en poste au commissariat de la ville. Il s’est presque intégré (il est, du moins, toléré) dans cette petite communauté fermée où tout le monde se connaît, il a fondé une famille et coule des jours paisibles à exercer son métier de flic. Un soir, alors qu’il dormait, terrassé par une grippe, la femme de son collègue Herjolfur l’appelle, très inquiète car ce dernier n’est pas rentré à la maison. Ari Thor part immédiatement à sa recherche dans la pénombre de la nuit automnale qui marque l’entrée dans la saison froide et de la nuit polaire. Il retrouvera son collègue à moitié mourant, allongé dans le froid et baignant dans son sang. Rapidement transporté à l’hôpital de Reykjavik, il décèdera quelques jours plus tard.
Qui peut bien en vouloir à cet homme à priori sans histoire ?
Qui peut bien vouloir tuer un flic dans le pays le plus pacifique au monde ?
L’enquête se déroulera au sein de la communauté, s’intéressera à plusieurs habitants et politiques du secteur, qui ont, semble-t-il, bien des choses à cacher.
Nom d’un petit mouton islandais, quel bouquin !!!
Wow, wow, wow ! Oubliez tout ce que vous savez des thrillers islandais, ou tout ce que vous avez retenu de mes chroniques, ce livre bouscule les codes littéraires en vogue dans ce pays ! Si j’ai pu trouver quelques lenteurs dans son premier livre de l’auteur, lenteur caractéristique des thrillers nordiques, celui-ci est l’exception qui confirme la règle ! Ragnar Jonasson nous propose dans Mörk un ouvrage vif, où l’action et la tension ne s’arrêtent jamais, emmenant le lecteur dans une enquête, une sorte de huis-clos à l’échelle de la petite ville, où les secrets les mieux gardés finissent par voir le jour face à la pugnacité de l’enquêteur Ari Thor. L’agression de son collègue arrive relativement rapidement dans le récit, l’auteur ne se perd pas en détails inutiles, il plante le décor en quelques pages : une petite ville nichée au creux d’un fjord, l’hiver tout proche, la nuit qui dure des heures, ne laissant que peu de répits à ses habitants, le froid, la pluie, le vent, l’Islande quoi ! Et c’est ça que j’aime chez cet auteur ! A l’image du Maître Indridason, c’est le seul auteur islandais qui est capable de retranscrire aussi bien le charme que la rudesse de la vie de ce magnifique pays, il trouve les mots, crée une atmosphère, pour nous plonger dans cette ambiance si particulière qui colle à merveille à une histoire de meurtre.
« Elle s’épanouissait à la lumière des longues journées estivales, s’enivrait du merveilleux parfum de la mer. L’air froid mais d’une pureté incroyable l’emplissait chaque jour d’énergie, même en hiver. Elle s’était prise à aimer la pluie et le vent, comme aujourd’hui. Ils renforçaient son sentiment d’être en vie. […] En hiver, on y trouvait une obscurité presque totale qui permettait d’admirer les étoiles piquées, dans un ciel incroyablement pur. Quand elle avait de la chance, elle pouvait même s’émerveiller des aurores boréales. »
Les islandais étant profondément attachés à leur nature et à leurs paysages, l’écrivain leur confère une place de choix au sein de son récit. En effet, la nature est à nouveau au cœur de l’ouvrage, Ragnar joue avec les éléments climatiques et avec la rudesse du pays pour bousculer ses personnages au gé des conditions climatiques. Encore une fois, j’aime beaucoup retrouver ce rapport avec la nature dans la littérature, moi qui aime tellement voyager et qui aime tant ce pays, c’est d’ailleurs grâce à la lecture de certains livres du genre, qui prennent aux trippes mon âme de globe-trotteuse, que je suis partie là-bas pour la première fois sur un coup de tête (et que j’y ai laissé mon âme !).
L’évolution du style de Ragnar Jonasson
Si je devais expliquer mon ressenti par rapport à son style d’écriture, je dirai que dans Snjor, il était une chrysalide, dans Mörk, il est devenu un beau papillon et a pris son envol ! L’écriture a gagné en maturité, le rythme est percutant et nerveux. Il alterne phases narratives à la troisième personnes et chapitres très courts, sorte de journal intime d’un jeune homme enfermé dans un service psychiatrique. Dans ce journal, l’homme se confie sur son enfermement et ce qui l’a conduit à être enfermé. Cela se déroule tout au long du livre à l’image d’un murmure qui viendrait se rappeler au lecteur un peu perdu par le manque d’indice de lieu ou temporel. Tout au long du livre, on se demandera qui est cette personne qui couche ses mots (et maux) sur le papier…
Gros point positif qui m’a fait basculer de « curiosité pour la plume de l’auteur » à « véritable coup de cœur » : Ragnar Jonasson a réussi à s’affranchir de certains codes caractérisant les polars islandais et qui peuvent laisser un à priori négatif aux lecteurs (principalement la lenteur ou la multiplicité des détails qui font trainer en longueur le récit), tout en conservant ce qui en fait sa colonne vertébrale : il a en effet le don de créer une atmosphère, qui donne une tonalité profondément tragique au récit, à l’image de la saison dans laquelle il aime ancrer ses enquêtes.
Autre détail très important, nous avons peu de personnages qui gravitent autour de l’enquêteur principal, ce qui fait que pour une fois, je n’ai pas été obligée de prendre de notes sur les noms islandais difficiles à retenir et ceci est un véritable confort de lecture pour moi !
L’atmosphère est oppressante, comme dans Snjor, mais de manière différente par rapport au premier tome où Ari Thor avait développé une certaine claustrophobie à l’idée d’être coupé du monde dans cet hiver sombre. Ici, c’est plutôt à cause du meurtre que c’est oppressant, car il s’agit du premier meurtre d’un policier sur l’île. Le narrateur nous explique effectivement que ce pays est le plus pacifique du monde, un pays où les policiers ne sont même pas armés, alors qui irait tuer un flic ? Tout le monde est choqué, atterré, d’autant plus qu’il semblerait que de nombreux personnages aient des choses à cacher.
L’auteur nous plonge dans une enquête pour meurtre, mais aussi au sein de certaines familles, gangrénées par les violences domestiques. Si l’Islande accuse un taux de criminalité parmi les plus bas de la planète, la majorité des meurtres et violences commises sur l’île sont du fait de violences domestiques. C’est un fait, et ici Ragnar Jonasson va développer tout au long du récit ce détail de la société islandaise, avec une certaine violence qu’on ne lui connaissait pas et que les lecteurs sauvages comme moi apprécieront ! Il bouscule à nouveau ici les codes du thriller islandais avec quelques passages violents qu’on est peu habitué à trouver chez ses homologues, ce qui ajoute à nouveau du dynamisme au récit.
Le mot de la fin
Pour conclure, je dirais que j’ai retrouvé tous les éléments que j’apprécie dans les thrillers islandais, et que les éléments que j’apprécie moins ont été laissés au placard par l’auteur qui a « européanisé » son récit. Ma lecture a été rapide, comme je vous le disais un peu plus haut dans ma chronique, mais j’aurais voulu qu’elle dure encore et encore parce que j’ai vraiment adoré le livre. Je ne pensais pas qu’un auteur islandais pouvait encore me surprendre, et pourtant !
Mörk se hisse très très haut dans la liste de mes livres islandais préférés. C’est un énorme coup de cœur que j’ai eu pour lui, et j’ai vraiment beaucoup de mal à lui trouver des défauts. Pour moi, Ragnar Jonasson est la nouvelle étoile montante du thriller islandais, je continuerai à suivre ses parutions de très près, et j’ai hâte que le prochain soit traduit en français !
Je n’ai, évidemment, pas résisté à vous mettre quelques photos que j’ai prises à Siglufjörður en 2015 🙂
Wahou ! Tu me donnes très très envie de lire ce livre ! 🙂
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Woaw ça donne carrément envie! Un beau polar islandais avec l’ambiance et tout mais avec un rythme de dingue?!! Vite vite une librairie 😉
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